Moi qui suis une inconditionnelle du Marché Saint Pierre, et qui, rituellement, visite dans l'ordre le Déballage, Les Tissus Reine et les Coupons Saint Pierre...sans compter d'autres boutiques tout aussi sympathiques, vous pensez bien que l'annonce d'un procès en diffamation intenté par la société propriétaire de "chez Dreyfus" contre un auteur de roman policier - une autre de mes addictions - m'a tout de suite incitée à acheter le bouquin, puis à le lire....
En novembre dernier, le tribunal a cependant donné raison à l'écrivaine, considérant qu'il n'était "pas illégitime" qu'un romancier s'inspire du Marché Saint-Pierre, qui, "tant par l'ancienneté de son enseigne que par l'authenticité de la tradition dont il se prévaut, a acquis une réputation dont la portée excède largement celle de sa clientèle, de son quartier et même de Paris". Pour la 17e chambre, l'oeuvre de fiction "n'avait ni pour objet, ni pour effet, aux yeux d'un lecteur de bonne foi, d'entacher directement ou indirectement la réputation de la société Village d'Orsel". Après lecture de l'ouvrage en cause, j'imagine pourtant que les dirigeants du célèbre magasin, temple de la vente du tissu à la découpe, se soient sentis attaqués.
Pour le principe de la liberté de création, c'est sans doute une sage décision. Mais pour l'intérêt du lecteur, laissez moi douter. J'ai rarement eu autant de mal à terminer un polar que celui-là. Son titre, déjà en lui-même, frise l'escroquerie intellectuelle en faisant clairement référence à l'un des meilleurs romans de Zola. S'en inspirer directement ne manque pas de culot. Ensuite, l'histoire est d'une vacuité totale, les personnages ridicules, le style navrant. C'est gore, invraisemblable, tiré par les cheveux, les ressorts de l'intrigue sont complètement désarmés. A ce tarif-là, n'importe qui est capable de s'emparer d'un cadre aussi caractéristique de Paris et d'y planter le décor d'une histoire policière. Donc, un polar à fuir comme la peste. Mais pas un quartier plein de charme et de vitalité, et d'intérêt pour les couseuses du dimanche...ou même du mercredi !L'auteure aura gagné sur tous les tableaux : sur celui des dommages et intérêts qui lui seront versés et surtout sur la publicité gratuite qui aura été faite autour du bouquin...et qui n'en vaut pas la peine.
Au malheur des Dames, par Lalie Walker aux Editions NOIR 7,5 Parigrammes. 272 p. 14,50€
NB : Si ce bouquin intéresse quelqu'un, je le lui envoie direct !