Dans mon voisinage, il y a…

Publié le 15 décembre 2010 par Ruminances

Posté par Rémi Begouen le 15 décembre 2010

- Il y a à ma droite (en rentrant, côté nord, chez moi) un bistrot de pochtrons, l’un des rares qui restent à Saint-Nazaire, et dont je connais vaguement la bonne moitié (‘eh ! Salut ! – ah ! Salut !’ se dit-on sur le trottoir, côté nord, où l’on sort fumer). Mais j’ai fermement décidé de n’y jamais aller boire un coup (à une exception près) dans ce caboulot : j’habite trop près et redoute le classique coup du ‘on s’invite boire un coup chez toi, mon pote… !’ Et j’ai nuisance ou joie d'engueulades ou de chansons gaillardes, lorsque, côté sud (ou sont nos petits jardins), les pochtrons viennent s’attabler – sauf en hiver.

- Il y a ma gauche un feu tricolore bien plus désagréable : c’est par là que passent la plupart des autobus de la ville, qui ont crissements de freins épouvantables au feu rouge (sous ma fenêtre principale nord au 1°étage) et démarrages tonitruants au feu vert… De l’autre côté de ce carrefour, il y a un vaste collège, ce qui donne de la jeune et gaie animation au quartier. Jusqu’à présent, je me suis abstenu de faire ‘le coup de l’imperméable’ à la sortie de l’école !

- Mais à ma gauche, nettement plus loin que ce carrefour, il y a surtout une charmante amie – on s’aime bien – chez qui je vais parfois (mais j’aime pas son chat !) et qui vient plus souvent chez moi, entre autre lire Ruminances… qu’elle aime bien. Et on papote beaucoup… ! On s’échange des livres (on s’est connu chez Gérard, notre cher libraire de La Voix au Chapitre) ou revues, elle me dépanne parfois en épicerie (elle va au ‘Resto du Cœur’) et surtout en vêtements : je porte, ces temps, un superbe manteau venant de son nouvel amant (moi je suis trop vieux pour des exploits, lui trop petit pour le manteau). C’est un bon ami à moi, peintre (elle l’est aussi) que je me suis ingénié à lui présenter. Bref on se rend menus services, façon simple de lier amitié – mais l’ami peintre est paraît-il jaloux de moi… !

- Au dessus de chez moi, il y a une vieille dame (82 ans, c’est guère 10  de plus que moi…). Depuis qu’elle est veuve et handicapée (prothèse de la hanche, béquille), elle sympathise avec moi. Je lui monte chaque matin, de sa boîte aux lettres, son Ouest-France, et elle me donne les quelques sous pour que j’aille lui acheter son pain… (un peu plus tard, car, en général, je suis encore en robe de chambre à 9h). Une fois par semaine, je sors et ramène aussi la poubelle commune, et autres menus services… mais elle est généreuse à la saison, avec ses tomates, ses patates ou ses fleurs (on vient l’aider à cultiver son petit potager – côté Sud -, mais elle aime bien, entre béquille et binette, tenter de continuer ‘cultiver son jardin’ !). Depuis le temps que l’on se connaît, que l’on se sourie, je me suis enhardi un jour à lui demander : ‘on pourrait s’appeler par nos prénoms, se tutoyer ?’. Refus catégorique ! C’est donc toujours ‘Madame, Monsieur’, et vouvoiement ! : elle est pourtant d’un milieu ouvrier… mais on y a de forts principes, aussi, assez souvent même ! Elle sait bien sûr que j’ai des ‘opinions politiques’, mais le sujet est tabou pour elle, ainsi que les ‘opinions religieuses’. Elle n’a que des ‘opinions familiales’ de mère et grand-mère, plus ‘opinions météorologiques’ et surtout ‘potagères’

- En face de chez moi, au delà du petit potager susdit, il y a mon ennemi. Il ne le sait pas, mais c’est ainsi : une haine contenue… ! Lui n’est pas du même milieu populaire, ou il l’a bien renié. Est-il ancien adjudant-chef ou ancien colonel ? Je l’ignore. En tout cas toujours militaire, con. Il ‘règne’ sur son gazon (tondre, tondre !) ses massifs de fleurs et haies (tailler, tailler !), son cerisier (à la saison, faire la guerre aux envahisseurs ennemis, pies et merles !). Et le pire : il ‘règne’ sur deux femmes si semblables que je suis encore incapable de savoir laquelle est son épouse légitime et l’autre l’amie de l’appartement supérieur. Car ‘le militaire en son jardin’ (il y étend le linge aussi, bien aligné : ‘j’veux voir qu’une tête !’) a toujours le coup de nuque ‘réglementaire’ vers les fenêtres de ces dames… ‘T’aimes ma démarche de costaud… ?’. Oui, militaire non repenti, t’es costaud. Dès que la température le permet, t’es torse nu, ha la classe, à 55 balais ! Ça c’est du mâle ! Nous nous sommes toisés, moi à ma fenêtre au Sud, lui sur sa place d’armes (qu’est son jardin) longtemps, sans que ni l’un ni l’autre ne daigne saluer l’autre.

Puis – après des années ! – il m’est arrivé de le croiser sur le trottoir, encombré par des travaux et de sa présence immobile. Je me suis lancé : ‘je voudrais passer et bonjour Monsieur mon voisin !’. Il m’a jeté un coup d’œil sévère, m’a laissé passer. Depuis, je m’amuse à le saluer lorsque je le croise, souvent en compagnie de l’une de ces (ses ?) deux femmes et c’est celle-ci qui m’a seulement et longtemps répondu ‘bonjour Monsieur’. Mais ‘l’ours’ semble un peu apprivoisé, désormais. Après avoir longtemps répondu d’un rapide hochement de tête, il daigne désormais me gratifier d’un rapide ‘bonjour’ et d’un demi-sourire ‘réglementaire’ : je ne désespère pas d’aller boire un jour l’apéro chez lui, et même de l’interviewer pour Ruminances… où sont mes meilleurs voisins (électroniques !) de cœur… ! : on a le droit de rêver !… sans cauchemarder sur ‘une partie carrée’ !