« Et nous descendîmes la rue Charbonnel. Nous y étions à peine engagés, qu'un garçon d'une douzaine d'années, qui causait sur le trottoir opposé avec une fillette de son âge, quitta vivement sa compagne et courut après nous. Il s'adressa à Huysmans, dont la barbe grisonnante lui parut plus apte à ses desseins que ma moustache blonde.
"M'sieu, y a une jolie demoiselle, là, sur le trottoir, qui fera tout ce que vous voudrez pour cent sous." »
« Rue de la Fontaine-à-Mulard, le père Alifat, comme toujours, cassait ses pierres. Un affreux chenapan était assis près de la table, sur laquelle étaient placés une bouteille et deux verres. En nous voyant entrer, il sortit et alla s'asseoir dans la rue sur le seuil d'une porte.
"Je vous amène un client, père Alifat, dis-je au vieux bandit.
- Vous voulez un briquet, M'sieu, dit-il. C'est un linvé les trois pièces, meilleur qu'au tabac, où vous le paieriez larantequé."
Huysmans allongea ses vingt sous : le père Alifat lui plia un briquet et une mèche dans un bout de journal. »
« Mais j'ai préparé de longue date une excursion à laquelle Huysmans ne s'attend pas. La direction de la manufacture des Gobelins m'a donné, avec la plus aimable obligeance, l'autorisation de pénétrer dans les jardins. »
« Dans son livre, il a laissé passer sans le voir un des sites les plus étonnants du quartier Croulebarbe. Je pense aux pages charmantes qu'il eût écrites sur cette folie du XVIIIe, qui garde encore si grand air dans sa ruine, sur son jardin abandonné, plein de ramures vertes et d'oiseaux furtifs. »
« Nous nous arrêtâmes vers l'entrée du passage Moret. Huysmans n'aimait pas à se laisser photographier, mais je fus enchanté de le saisir à son insu pendant qu'il s'appuyait "sur l'une des barres de fer, emmanchées dans des poteaux de bois mort"»
« En descendant la rue Brillat-Savarin, nous vîmes au pied d'un mur à moitié démoli deux jeunes gens, un plan de Paris à la main, qui suivaient du doigt le lacis des rues. "Tu vois Elle se partage en deux bras, rue de la Colonie, Elle passe sous terre ici même où nous sommes, et nous ne La retrouverons qu'à la poterne des Peupliers." »
« Nous étions arrivés à la place d'Italie. Comme il était de bonne heure, Huysmans voulut descendre la ruelle des Reculettes, pour revoir ce coin des Gobelins qui, peu d'années auparavant, lui avait paru si étrange. »
Photographies et textes : Michel de Lézinier : Avec Huysmans. Promenades et souvenirs. André Delpeuch, 1928, in-8, 16 reproductions hors-texte.