Euro : ça ne va pas mieux

Publié le 14 décembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Dans un article d’analyse assez détaillé, Aurel étudiait la possibilité de la disparition de l’Euro, en notant que cette fin pourrait être fort coûteuse mais qu’elle permettrait peut-être le retour à une certaine sagesse budgétaire des états. De toute façon, avec les dernières nouvelles économiques, on va devoir explorer assez vite les options qui s’offrent à nous…

 Avant de se lancer dans la prospective, exercice au demeurant très risqué, surtout actuellement alors que les choses évoluent de plus en plus vite, tentons de brosser un rapide tableau du panorama financier actuel, avec des couleurs ocres et mordorées, ce sera plus joli.

On commencera par les bords de la toile, en observant la situation des petits pays périphériques et en notant par exemple que la situation s’est bien stabilisée, mais pas en zone confortable.

À l’image d’un radeau sur un bras de rivière plus calme entre deux chutes majeures, pour le moment, les occupants se sont remis de leurs précédentes émotions. Mais les mini-crises (politiques, comme en Belgique ou financières, comme en Irlande) s’accumulent et ne doivent leur faible impact dans la presse qu’à sa lassitude d’avoir à traiter des sujets ardus et hauts en émotions : une si longue période sans gouvernement devrait pourtant rendre perplexe les dirigeants européens vis-à-vis de la Belgique, et la dégradation assez violente de la note irlandaise aurait, en d’autres temps, déclenché une certaine agitation tant sur les marchés que dans les appareils politiques de toute l’Europe.

Mais, quelque part, l’attitude blasée de la presse permet justement aux citoyens, aux banques et aux politiciens d’encaisser les chocs qui s’ajoutent les uns aux autres. Il n’empêche que factuellement, tout ceci ne sent pas bon : la BCE, dont on rappelle que les principes fondateurs furent joyeusement passés aux broyeurs le 9 mai dernier, rachète maintenant la dette des pays en difficulté dans la plus parfaite décontraction d’un Trichet qui n’aura jamais aussi bien porté son nom.

Pour le moment, la Banque Centrale gobe donc les pralines au caca des pays déliquescents et excrète des liasses de billets de Monopoly à un rythme soutenu : pas loin de 70 milliards d’euros auront ainsi été généreusement distribués depuis le début, en mai, de cette innovante méthode pour saboter l’épargne de 500 millions de personnes.

À tel point, d’ailleurs, qu’à force de distribuer, … les pépettes viennent à manquer ; la purge intestinale marche trop bien : la BCE envisage maintenant une augmentation de capital. L’aspect parfaitement logique et prévisible de cette déconfiture serait drôle si les montants n’étaient pas aussi effrayants et si ce n’était pas plusieurs générations qu’on obérait ainsi.

On notera qu’on entend nettement moins les applaudissements bruyants des crétins à paillettes qui nous gouvernent, alors qu’on y avait largement droit il y a encore quelques mois.

Côté Merkel, ça peut se comprendre : les taux d’emprunts grimpent même pour les Bunds allemands, et même si l’Allemagne n’a pas encore de problème pour fourguer ses petites crottes, l’année 2010 aura enregistré six fois des adjudications sous-souscrites, ce qui n’est guère brillant.

Quant à l’activisme d’un Sarkozy sous amphétamines, il a fait place aux rides d’un front plissé par la réalisation (franchement tardive) que la situation s’empire et qu’elle risque de coûter un peu plus qu’une poignée d’euros fraîchement imprimés ; il était temps, car on s’interroge maintenant même dans les médias mainstream : la France est-elle la suivante sur la liste des pays en difficulté ? D’autant qu’avec l’augmentation actuelle des Credit Default Swap français, la question tourne à la pure rhétorique, et tourner autour du pot, comme le fait par exemple Roubini, ne sert finalement qu’à ménager les susceptibilités.

Aurel, dans son billet, se réjouissait que Merkel, par son « non » ferme aux « Euro-bunds » — emprunts émis au niveau européen et non plus au niveau des états membres — marquait le retour de chaque pays à la responsabilité dans la gestion de ses finances. Je crains que la réalité politique ne vienne contredire cet enthousiasme : même si le prochain sommet européen n’abordera pas cette question, elle continuera d’occuper les pensées humides des apprentis sorciers qui n’ont pas tout tenté pour se défausser de leur responsabilité dans la catastrophe qui s’annonce.

Quand, de surcroît, on voit l’absence calamiteuse d’efforts de la part du gouvernement pour remettre de l’ordre dans le merdier apocalyptique des finances françaises, et son foutage de gueule en cinémascope pour faire croire à une amélioration du déficit, on comprend que la prise de conscience est minimale et cantonnée au strict nécessaire pour sauver la face.

Ce refus borné de vouloir prendre des mesures vigoureuses pour redresser la barre s’accompagne de l’autisme consternant de la part des administrations elles-mêmes, incapables de se détacher de leur fix annuel de dette publique : une mise à la diète, aussi légère soit-elle, est vécue comme un affront.

En définitive, et pour terminer sur une courte note prospective, j’ai bien l’impression de devoir doucher les espoirs d’Aurel : il voyait dans la tempête actuelle sur l’Euro une opportunité pour les états de remettre en ordre leurs finances. Je crains que les politiciens des pays les plus endettés (France et Italie, en tête) n’aient déjà fait le calcul que, politiquement, les efforts seront trop importants et trop impopulaires pour être même tentés. Si l’on y ajoute leur méconnaissance crasse de l’économie, on peut raisonnablement parier pour une magnifique fuite en avant.

Concernant la France, les derniers éléments fournis dans ce billets penchent en faveur de cette thèse.

Pour moi, c’est clair, ce pays est foutu.
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