En résumé, nous ne percevons pas directement notre environnement, mais une image que nous formons au travers de nos filtres cognitifs et préjugés (liés à l'éducation, à la formation, aux rencontres...).
Ce qui est valable pour l'humain, l'est encore plus pour une entreprise, évoluant aujourd'hui dans un monde de mutations fortes et faisant partie intégrante de l'écosystème. Etes-vous sûrs de ne pas inventer votre réalité (de marché) ?
Comment une entreprise en arrive-t-elle à inventer sa réalité de marché ? Selon trois mécanismes (que je transpose de l'analyse de Philippe Bazin*, centrée sur l'homme) :
- en supprimant l'information "inutile" : si une information du monde extérieur ne rentre pas dans notre cadre de pensée ou contredit une conclusion, une attente, un apprentissage antérieur, celle-ci est bien souvent supprimée (non vue, entendue, ou sentie).
- en distordant l'information qui nous parvient : notre système cognitif va "distordre" les éléments saisis dans l'environnement pour nous en apporter une perception plus "utile" ou plus conforme à nos attentes.
- Enfin, en généralisant, surtout quand il s'agit d'un apprentissage ou d'un problème résolu dans un contexte presque pareil. Cette capacité à généraliser est à la fois un formidable atout, qui évite de réapprendre à faire les choses tous les matins et un gros handicap car "généralisation" devient souvent synonyme de "vérité établie" qui permet de lire une réalité...ou un marché.
Or cette généralisation nous fait souvent construire le futur en fonction du passé. Dans des contextes de marchés mutants, cela pose problème.
- la nécessité d'élargir grandement le champ de vision d'une entreprise (sa vision de la réalité) pour ouvrir de nouvelles possibilités. Différents exemples pourraient aisément illustrer cette idée, je m'en tiens au visuel "cognitif" présenté par John Winsor dans son dernier livre "Flipped" (que je recommande chaudement).
- la nécessité de réapprofondir et réinternaliser un certain nombre de pratiques (oubliées ou outsourcées) : requestionner de façon plus sytématique et radicale, réapprendre à observer vraiment (pas uniquement regarder sans voir), et à interviewer directement ses clients.
Perte de temps ? Oui mais une perte de temps utile car la réinvention d'un cadre de pensée ou de marché se fait en "temps lent" pour une action accélérée ensuite. - Enfin la nécessité de rendre la veille "hors champ" systématique et intelligente car cela reviendrait à tout surveiller, ce qui n'est pas possible. En revanche, après avoir défini des thématiques innovations ou axes innovation, écouter de façon prospective ce qui se passe et va se passer sur cette thématique est devenu vital.
* Pourquoi parler du livre de Philippe Bazin "petit manuel de self-leadership" qui n'a rien à voir (a priori) avec l'innovation et se positionne comme un ouvrage de vulgarisation d'une approche de leadership ?
Pour être transparente, je l'ai acheté (et lu) à cause ou grâce à la" baseline" (même si je suis déjà bien au fait de l'Appreciative Inquiry et du Solution-Focus comme approches génératives de coaching) : "Comment voir et créer une réalité stimulante pour soi et pour les autres ?"Si tout n'est pas transposable dans ce livre, cette petite phrase a immédiatement raisonné avec les impressions accumulées au cours de cette année 2010.
"Développer une réalité stimulante (positive) pour soi et les autres", n'est-ce pas ce que les entreprises innovantes ne cessent de faire ? N'est-ce pas ce qui leur permet d'être différentes et de faire la différence ?