-Armoiries de la Côte d'Ivoire-
Bonjour à tous
Après avoir publié un article sur la situation politique à la veille du second tour des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, et avoir pris un peu de recul quant aux évènements qui ont suivi, nous nous devons de résumer la situation délicate dans laquelle le pays se trouve. Elle est pour le moins confuse et complexe et ce dès la fin du second tour. Comment la Côte d'Ivoire s'est-elle retrouvée dans la situation actuelle (avec un président sortant qui a fait une sorte de coup d'état) ? Quelles sont les réactions continentales et internationales face à la confusion et comment va t-on sortir de la crise ?
RAPPEL : le deuxième tour :
Après un premier tour dominé par le président sortant, Laurent Gbagbo, à la tête de sa majorité présidentielle du Front Populaire Ivoirien, la situation pouvaient paraître favorable au président. Mais il faut dire que l'opposition était divisée entre le RDR (centre-droit), dont le candidat Alassane Ouatarra (dit "ADO") était arrivé deuxième ; et le PDCI (droite) dont le candidat Bedie était distancé. Aussi cette opposition, s'est-elle reconstituée dans un front commun face à la majorité présidentielle. Konan Bedié avait lancé un appel à voter en faveur du candidat RDR au deuxième tour afin de faire gagner le camp des houphouetistes. Dès lors, avec le compte des reports de voix, on pouvait laisser augurer une victoire de l'opposition. Au fur et à mesure cette thèse semblait de plus en plus plausible et l'écart entre les deux tours (long de plusieurs semaines) a laissé monter la pression et la tension dans le pays. Le 28 novembre a vu une participation moins importante que le premier tour, mais encore convenable. A nouveau, la Commission Electorale Indépendante devait proclamer les résultats sous quelques jours.
LA CONFUSION :
Tout d'abord, il a fallu attendre les résultats, ou tout du moins des estimations. Les premières arrivèrent et montrèrent immédiatement la confusion qui régnait autour des résultats du second tour : en effet, certaines ont montré que Laurent Gbagbo était élu, alors que d'autres ont prétendu l'inverse. Ces divergences de tendance peuvent s'expliquer par au moins deux facteurs : -l'inexactitude liée au fait que les premières estimations provenaient de résultats très partiels et surtout ne prenant en compte que certaines régions (or la géographie électorale est très déséquilibrée entre un nord qui vote ADO et un sud qui vote Gbagbo). -la partialité des estimations, qui venaient parfois des partis eux mêmes, ou de leur organe de presse.
La confusion s'est accentuée le mardi suivant les élections : en effet, alors que la CEI doit annoncer les résultats, les journalistes sont renvoyés de la conférence et l'annonce des résultats officiels est repoussée. On peut penser à ce moment que des pressions ont eu lieu de la part des deux camps et surtout de celui du président sortant, qui nous le verrons, a peu profiter de cette situation. La contestation se fait dans les deux camps et Laurent Gbagbo demande l'invalidation des résultats dans plusieurs régions du nord.
L’INCOMPRÉHENSION :
Malgré cet incident, les résultats commencent néanmoins à se répandre et à se savoir. Ce serait le candidat de l'opposition, Alassane Ouatarra qui l'auraient emporté avec environ 54,1 pour cent des voix. Le camp opposé conteste les élections dans le nord et obtient leur validation lorsque le Conseil Constitutionnel (dirigé par un proche de Laurent Gbagbo) invalide les résultats de la CEI sous prétexte que les résultats ont été annoncé trop tard (seulement le jeudi suivant le deuxième tour) et nomme Gbagbo président de la République de Côte d'Ivoire. Ce dernier s'empresse donc de se faire reconnaître en tant que telle et prend rapidement ses fonctions. C'est alors l'incompréhension totale dans le pays. Des violences qui prolongent celles antérieures à l'annonce des résultats ont lieu.
RÉACTIONS INTÉRIEURS ET EXTÉRIEURES :
L'opposition s'organise alors, même si Gbagbo semble avoir rapidement scellé le sort de ces élections et du coup d'état qui s'ensuivit. En effet, Alassane Ouatarra s'autoproclame seul président élu démocratiquement et constitue un contre gouvernement. Il insiste sur sa légitimité pour faire contrepoids à la légalité de son adversaire. La situation est tendue et Guillaume Soro, premier ministre du contre gouvernement, entend mener des conseils des ministres et souhaite faire entendre raison à Laurent Gbagbo qui doit quitter le pouvoir. De même, l'administration doit selon lui désobéir au président afin de rendre son action politique impossible. Les résistances sont donc susceptibles de se développer. En plus de ce contre gouvernement, les Forces Nouvelles, le RHDP (Houphouetistes) et l'UPCI ont tenu une session extraordinaire afin de condamner les exactions de la "majorité" présidentielle. Même des artistes comme Tiken Jah Fakoly, appellent Laurent Gbagbo à laisser le pouvoir. L'intransigeance de Gbagbo et la résistance croissante contre lui peuvent aboutir peu à peu à une résurgence de la crise. Au niveau international, plusieurs chefs d'Etats ont appelé à respecter la voix du peuple, dont Nicolas Sarkozy. L'ONU a reconnu Ouatarra président de la république de Côte d'Ivoire, mais ne peut destituer Laurent Gbagbo. Dominique Strauss-Kahn a quant à lui déclaré qu'il ne coopérerait pas avec un président non légitime. L'Union Africaine a aussi appelé à respecter la décision populaire. La communauté internationale semble donc assez unanime face à cette question ivoirienne mais elle ne peut imposer un président à la Côte d'Ivoire. Elle menace la Côte d'Ivoire se sanction, ce que le gouvernement Gbagbo ,par le biais de son ministre des affaires étrangères Alcide Djédjé, dénonce comme étant une tentative d'installation d'ADO au pouvoir. Gbagbo refuse les ingérences et prétend qu'Alassanne Ouatarra était aidé financièrement par les occidentaux (avec qui il a pu peut-être noué des relations, notamment au sein du FMI).
QUE VA T-IL SE PASSER ?
La situation semble bloquée donc : Laurent Gbagbo souhaite rester au pouvoir, la résistance s'organise, laissant présager que la tension va monter et qu'une guerre civile est tout à fait possible, d'autant que ce n'est pas la première fois que Laurent Gbagbo prolonge son mandat sans le soutien populaire (il l'avait déjà fait en 2005). Aussi les problèmes ethniques et religieux ne semblent toujours pas réglés. Ils semblent même au coeur du problème puisque le pays fut très divisé lors de ces élections : le nord musulman a voté en grande majorité pour le RDR alors que le sud chrétien a voté en majorité pour le FPI. Cela montre que la nation Ivoirienne, encore jeune et peu expérimentée à la démocratie, n'est pas complètement soudée et que, comme pour n'importe quelle démocratie, la stabilité ne viendra que d'un consensus populaire et national, au-delà même du vote. Et cela peut prendre plusieurs années voir plusieurs décennies. Pour ne citer que deux exemples, la France a connu près d'un siècle de révolutions avant de trouver une certaine stabilité démocratique, tandis que les Etats-Unis d'Amérique se sont déchirés moins d'un siècle après l'indépendance, lors de la guerre de sécession (Civil War) qui fut la plus meurtrière pour le pays.
Pour conclure, il faudra suivre attentivement les suites de ces élections, qui pourront être tragiques pour un pays qui espérait sortir d'une crise politique et militaire de prêt de 11 ans.
Vincent Decombe
SOURCES : http://www.afreekelection.com/http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/12/14/97001-20101214FILWWW00520-le-gouvernement-gbagbo-met-en-garde.phphttp://news.abidjan.net/h/383291.html?n=383291http://www.ceici.org/elections/docs/EPR2010_2T_RESULTATS_VALEURS_02122010.pdfhttp://bernardlugan.blogspot.com/2010/12/reflexions-apres-la-victoire-dalassane.html