On parle rarement de record lors des ventes aux enchères d'archéologie, et c'est pourtant bien comme cela qu'il faut qualifier la vente qui a lieu chez Christie's New York, , totalisant près de 33 millions de dollars, un total jamais atteint encore pour une vente d'antiques. Autre record, plus de la moitié du produit de la vente a été réalisée par une exceptionnelle idole cycladique en marbre, issue de l'ancienne de Marion Schuster, Lausanne, attribuée au maître de Schuster et datée de 2400 av. J-C (Cycladique Ancien II), soit près de 16 millions d'euros.
A cela rien d'étonnant si l'on considère la qualité de l'œuvre et son état de conservation, de sa provenance, sa présence dans plusieurs expositions et publications. L'estimation de cette idole avoisinait déjà les 3/5 millions d'euros, une fourchette exceptionnelle quand on sait que la plupart de ces idoles se négocient plutôt quelques dizaines de milliers d'euros.
Cette œuvre fait également partie d'un corpus qui ne comprend qu'environ une douzaine d'œuvres connues, du maître de Schuster, actif au 3ème millénaire avant notre ère. Ces statuettes sont représentatives du type statuaire de cette époque : schématiques, mettant en avant les attributs sexuels (seins, zone pubienne), utilisation du marbre... On imagine qu'elles devaient être peintes. Elles ont majoritairement été retrouvées en contexte funéraire, mais dans un nombre limité de tombes, ce qui en fait des objets de luxe et distinctifs d'une élite.
Le Maître de Schuster tire sa dénomination de l'ancien propriétaire de ce chef-d'œuvre. Son art combine les caractéristiques de deux écoles cycladiques : l'école du Spédos et l'école de Dokathismata. L'artiste est principalement connu pour des figures féminines enceintes. Le nez aquilin, la tête terminée en crête à l'arrière, le décolleté curviligne à l'avant et triangulaire à l'arrière, les avant-bras arquées subtilement pour accentuer le gonflement du ventre et modelé en relief sur les œuvres plus grandes caractérisent les œuvres de ce sculpteur.
Cette œuvre, qui a inspiré des artistes modernes comme Picasso ou Brancusi, ira désormais faire le plaisir d'un collectionneur anonyme.
Pour aller plus loin :I. Ràcz, Antikes Erbe: Meisterwerke aus Schweizer Sammlungen, Zurich, 1965, no. 3.
P. Getz-Preziosi, "Addenda to the Cycladic Exhibition in Karlsruhe," in Archologischer Anzeiger, 1978, fig. 8.
P. Getz-Preziosi, Early Cycladic Art in North American Collections, Richmond, 1987, no. 58.
P. Getz-Preziosi, Sculptors of the Cyclades, Individual and Tradition in the Third Millennium B.C., Ann Arbor, 1987, p. 115-117, pl. 40-41. P. Getz-Gentle, Personal Styles in Early Cycladic Sculpture, Madison, 2001, p. 97-100, pl. 82-83.