C’est ainsi que le thon rouge, ce gros poisson pouvant vivre jusqu’à 20 ans et atteindre 600 kilos, continue de faire l'objet de grandes manœuvres économiques entre états riches et pays émergents.
La dernière réunion de l’ICCAT à Paris a fixé le quota de pêche alloué pour l’année prochaine à 12 900 tonnes de thon rouge. Un résultat déplorable dans la mesure où ce chiffre ne laisse qu’environ 30 % de chance au stock de se reconstituer d’ici à 2020…
On distingue trois espèces de thon rouge dans le monde :
- Le thon rouge du Nord ou thon rouge de l'Atlantique ou simplement thon rouge : Thunnus thynnus
- Le thon rouge du Sud : Thunnus maccoii (classé en danger critique d'extinction)
- Le thon rouge du Pacifique : Thunnus orientalis
Chaque espèce forme un stock halieutique indépendant. Chacune est surpêchée le plus souvent durant sa période de reproduction où elle se regroupe.
En 2006, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (Cicta - Iccat est l'acronyme en anglais) a montré que la capacité de pêche de thons rouges en Méditerranée dépassait largement la capacité de production de la ressource.
Début 2010, la France a pris officiellement position pour l'interdiction du commerce international du thon rouge de Méditerranée mais en demandant un délai de dix-huit mois pour la mise en œuvre de cette mesure (maintien de la pêche « côtière » avec 10 % des quotas de pêche durant dix-huit mois).
Greenpeace et d'autres ONG environnementale ont estimé ce délai trop long car selon les évaluations du comité scientifique de l'ICCAT, il ne reste aujourd'hui que moins de 15 % de la population d'origine, ce qui met l'espèce en position très critique, ne serait-ce que du point de vue de l'effondrement de sa diversité génétique (facteur de résilience écologique si l'on souhaite une reconstitution rapide des populations).
Et selon le WWF qui dénonce une surpêche massive aggravée par les activités illégales, le thon rouge pourrait disparaître de la Méditerranée d'ici 2012.
Alors que la communauté internationale s’est engagée à ce que tous les stocks de poissons soient exploités de façon durable à cette date, lors de la Convention internationale sur la biodiversité de Nagoya, c’est un signal extrêmement négatif que l’ICCAT vient d’envoyer. En adoptant un quota de pêche pour 2011 pratiquement égal à celui de cette année, l’ICCAT démontre que seul prime l’intérêt économique à court terme de la pêche industrielle. Les négociations se sont réduites à des discussions de marchands de tapis autour de chiffres et de calculs de probabilité. Il n’a jamais été question de protection d’une espèce…
Ce cas très concret du thon rouge montre que les engagements internationaux sur la stratégie marine, ne sont pas appliqués.
De plus, Bruno Le Maire et les pêcheurs français sortent perdants. Depuis le début des négociations, la France, par la voix de son ministre de l’Agriculture et de la Pêche, a défendu une position maximaliste sur le quota global de pêche. Elle a entraîné avec elle toute l’Union européenne. La France espérait ainsi se voir accorder un délai pour le paiement de sa dette : 1 500 tonnes de poisson à retirer de son quota en 2011 et 2012. Ce remboursement fait suite au dépassement de quota de plus de 100% dont se sont rendus coupables les thoniers français en 2007.
Cette demande française a été rejetée. Cela signifie que sur les 2 500 tonnes de quota français pour 2011, les thoniers ne seront autorisés à pêcher « qu’environ » 1 000 tonnes de poisson.
Greenpeace estime que ces 1 000 tonnes devraient être allouées en priorité aux pêcheurs artisanaux, et non aux thoniers senneurs, la pêche industrielle étant seule responsable des dépassements de quotas en 2007.
Avec cette stratégie perdante dans laquelle elle s’est enfermé, non seulement la France trahit l'engagement pris à Nagoya mais ne laisse qu’une très faible probabilité au stock de se reconstituer d’ici à 2020. Si la France avait dès le départ défendue une baisse du quota et une fermeture de la pêche à la senne, tous les pays pêcheurs auraient été dans la même situation, la ressource aurait été préservée et un conflit avec la Commission européenne évité.
Aujourd’hui les pêcheurs français sont les seuls à rester à quai et le thon rouge est en très mauvaise posture…
Photo Flickr-cc : thon rouge par Castorp Republic (http://www.flickr.com/photos/galleriedecastorp/4447897702/)
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