Six statuettes sont posées sur la table en bois du président de la Région Languedoc Roussillon. Deux font polémiques (celle de Mao et de Lénine), tandis que les quatre autres restent assez banales et convenues. Ces statuettes disposées dans le bureau du « Président », comme il aime être appelé, pourraient être une indication sur le personnage de George Frêche : alliant consensualité, populisme, popularité, George Frêche aime s’aventurer hors des sentiers battus dès lors qu’un micro est disposé devant lui, aimant passer pour la victime, descendant sa concurrente socialiste Helène Mandroux (qui « en 25 ans n’aura pas eu une seule idée ») ou mentant allègrement sur l’histoire de son père lors d’un meeting. Yves Jeuland nous introduit dans le monde de la chose publique vue par George Frêche, un peu moins de deux mois après après sa mort.
Dans ce film d’1h38, on y suit un président en campagne, chez lui, en voiture ou encore en chantant. Paradoxalement, et à aucun moment, on ne le sent jouer un rôle. Pas besoin qu’il soit à côté d’une caméra pour sortir le grand jeu, il est naturellement un acteur, oubliant vite la présence d’Yves Jeuland qui gagna sa confiance au fur et à mesure. Le Président n’est pas un documentaire sur la campagne des régionales de la Région Languedoc-Roussillon car la campagne n’est qu’un « pretexte« , selon le réalisateur Yves Jeuland, pour pouvoir approcher l’homme, le personnage, et le système Frêche. Le principe du film ne repose donc pas sur les réalisations mais sur George Frêche dans la vie de tous les jours et plus particulièrement en campagne électorale.
Par chance pour le réalisateur, la campagne électorale de George Frêche connut un rebondissement médiatique au début de l’année 2010 qui permit au documentaire de montrer tout son intérêt : la réaction en bonne et due forme de son entourage proche (directeur de cabinet, conseiller en communication) après les propos de leur président sur Laurent Fabius et sa « tronche pas catholique« . Interviews, émissions de télévisions, radios, voyage à Paris, Yves Jeuland se retrouve dans une machine bien huilée dans laquelle George Frêche y lance toutes ses dernières cartouches, réussissant par un tour de force à faire de l’ombre aux plus hauts dirigeants du Parti Socialiste, Martine Aubry et Arnaud Montebourg en tête, grâce à une stratégie subtile de « province et popularité proche du terrain contre élites du VIème arrondissement loin des réalités ».
Tourné sur une durée d’environ six mois, Le Président se révèle être un film ne tombant pas dans le cliché du documentaire politique s’énamourant de son sujet. C’est un film simple, racontant les derniers combats politiques, non pas d’un éléphant socialiste, mais d’une tortue endurcie et en fin de vie avalant des posts-it comme de la salade. 40 ans de vie et de carrière politique, ça laisse des traces, et on peut en percevoir quelques unes grâce à ce documentaire magnifié par un réalisme accrocheur. Mort quelques mois après sa réélection en tant que président de Région Languedoc-Roussillon, Le Président permet de comprendre, au plus proche la réalité, l’attrait qu’avait le pouvoir pour un animal politique provocateur comme George Frêche. Humain, comique et triste à la fois.
Le film sort mercredi 15 décembre dans les salles.