Le choix du site de Fontfroide n'est pas le fruit du hasard. Les moines, fondateurs de tels édifices, ont toujours privilégié les lieux calmes et isolés. C'est donc, dans un vallon sauvage du massif calcaire des Corbières, à proximité d'un torrent, qu'un groupe de religieux jette son dévolu à la fin du XI° siècle.
Elle doit son nom à cette « fons frigida », source d'eau fraîche. Les armes parlantes de l'abbaye représentent, d'ailleurs, une fontaine.
Le rayonnement de l'abbaye de Fonfroide.
Fondée, en 1093, sur des terres données par Aymeric II, vicomte de Narbonne, Fontfroide est rattachée, en 1144, à l'abbaye bénédictine de Grandselve. En 1146, Fontfroide est affiliée à l'abbaye de Cîteaux, dans la filiation de Claivaux.
Dès lors la liste de ses bienfaiteurs va s'étoffer. Le Comte deToulouse, le Vicomte de Béziers, Guillaume de Montpellier, Alphonse d'Aragon et Guillaume de Roussillon vont être à l'origine d'une des plus rapides ascensions matérielles et spirituelles qu'un édifice religieux ait connu à cette époque.
Les dotations des nobles languedociens, toulousains et catalans permettent, aux moines, d'élargir leur territoire foncier jusqu'au Roussillon et à la Catalogne.
Prospère, elle essaime alors et le monastère de Poblet en Catalogne, en 1149, celui de Valbonne, dans les montagnes d'Argelés, en 1242, entre autres, se trouvent dans sa filiation. Cent ans après sa fondation, à son apogée, Fontfroide est mère de cinq abbayes d'hommes et de trois abbayes de moniales, et possède 24 granges et 30 000 hectares de terres.
Fontfroide fer de lance de l'orthodoxie catholique.
Digne représentante de l'église catholique, elle incarne, à l'aube du XIII° siècle, l'orthodoxie face à « l'hérésie cathare. » Deux de ses moines, frère Raoul et Pierre de Castelnau, deviennent légats du pape, en 1203, pour combattre, par la parole, le catharisme.
En cette période de troubles, l'assassinat, d'un de ses moines, déclenche l'invasion du Languedoc et, sous le commandement de Simon de Montfort, la Croisade des Albigeois.
Fonfroide sort renforcé de ces épisodes tragiques et connaît même la gloire au début du XIV° siècle, deux de ses pères abbés occupant les sommets de la hiérarchie catholique. Arnault de Novell, ancien moine et légat du pape au procès des Templiers, devient cardinal en 1312. Son neveu, Jacques Fournier, est élu pape, en 1314, sous le nom de Benoît XII. On lui doit la construction du Palais des papes à Avignon.
Après l'apogée, le début du déclin.
L'apogée marque souvent le début du déclin et c'est le cas pour l'Abbaye de Fonfroide. Trop bien née et trop puissante, sa richesse, inexorablement, dans le macrocosme monacal, finit par faire des envieux. Fontfroide cristallise les mécontentements et les jalousies, et symbolise, trop ouvertement, la réussite et la prépondérance de Cîteaux. Parallèlement, la discipline, observée par les moines, se relâche et se dégrade
Lors du grand schisme d'Occident, de 1378, l'abbaye reconnaît l'anti-pape Clément VII et s'attire l'ire de Benoît XIII, autre anti-pape. Le choix stratégique des moines s'avère catastrophique et aboutit à la mise sous séquestre des biens de la communauté
Sous le régime de la Commende Fonfroide perd, partiellement, son autonomie.
Au milieu du XVe siècle, un autre scandale éclate au sein de l'abbaye. L'abbé Pierre Ferrer est expulsé par le chapitre général, mais, se refusant à la sanction édictée, celui-ci reprend possession, par les armes, de son bien. Jusqu'à sa mort, en 1454, cloîtré dans son monastère, il résiste à toutes les sommations
Les conditions de vie des moines continuant à se dégrader, en 1476, l'abbaye passe sous le régime de la commende et son abbé est choisi, par le Pape, parmi les membres du clergé séculier. L'abbé ainsi nommé perçoit les revenus de l'abbaye et s'occupe de sa gestion tandis que le pouvoir spirituel est remis aux prieurs. Le passage à ce régime marque, l'abbé ne se souciant que de son propre profit, le début d'une décadence des mœurs.
Bien que les prieurs conventuels fassent, au début du XVIII° Siècle de nombreux aménagements, le nombre de religieux chute. En 1764, Fontfroide perd son titre d'abbaye et les revenus qui y étaient attachés, et devient dépendance de l'évêché d'Elne-Perpignan. En 1791, le monastère est mis en abjudication, mais n'est pas détruit
La renaissance d'une abbaye.
Ses bâtiments, relativement préservés lors de la Révolution, ont été rachetés et, après y avoir effectué des travaux de restauration, réoccupés par des cisterciens de l’Immaculée Conception, de Sénanque, sous la direction du Père Jean, de 1858 à 1901
Deux nouveaux acquéreurs, Gustave Fayet et Madeleine d'Andoque de Sariège, en 1908, profitent de la loi sur les congrégations de 1901 pour faire, de Fontfroide, après quelques restaurations, un lieu culturel prisé.
Fontfroide s'impose, aujourd'hui, comme l'étape indispensable au départ des circuits des Corbières et des Châteaux cathares.
Plus de vie monastique mais des bâtiments magnifiquement conservés.
Un élégant portail d'entrée, construit à la veille de la révolution Française, accueille le visiteur et le guide jusqu'à la cour d'honneur.
La salle capitulaire et ses neufs voûtes romanes, disposées sur des croisées d'ogive, est considérée comme un pur chef d'œuvre de l'art roman. L'église, avec sa grande nef culminant à vingt mètres de hauteur, a retrouvé ses vitraux lumineux.
Des statues et des bas reliefs ornent les murs et les jardins. Depuis 1990, ces jardins sont agrémentés d'une grande roseraie composée de 3.000 rosiers rassemblés en onze massifs de couleurs différentes.
L'austérité n'est plus de mise et plus de neuf siècles après sa fondation, Fonfroide a adopté un style confortable et plus convivial.
Raymond Matabosch
Publié le 11 Novembre 2010 sur