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Loppsi II : le capital sécuritaire entamé de Nicolas Sarkozy

Publié le 14 décembre 2010 par Juan
Loppsi II : le capital sécuritaire entamé de Nicolas SarkozyCe mardi, Nicolas Sarkozy se déplace dans l'Eure, pour parler conquête spatiale. Après un déplacement essentiellement glamour en Inde voici 8 jours, le voici qui peaufine encore son image de « Kennedy de France.» Pour l'heure, son camp s'inquiète d'une prétendue montée de l'extrême droite, alors que la fameuse loi Loppsi II arrive, enfin, sur les bancs de l'Assemblée pour une seconde lecture. Et Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, s'écharpe avec Michel Mercier, ministre de la Justice, après la condamnation, vendredi, de 7 policiers pour mensonges.
Loppsi II, version 2
La Loi d'orientation et de programmation, pour la performance de la sécurité intérieure, dite « Loppsi II» a été adoptée par le Sénat le 10 septembre dernier, avec quelques amendements. Les sénateurs du camp présidentiel avaient un temps souhaité adoucir certaines dispositions répressives du texte voté une première fois par les députés en février dernier. Entre-temps, Sarkozy avait imposé quelques mesures issues de son discours de Grenoble du 30 juillet. Après une faible résistance, les sénateurs cédèrent à la pression du gouvernement. Et les députés UMP, emmenés par Eric Cioti, le « Monsieur Sécurité » de l'UMP, ont finalement réintégré, en commission des lois, la plupart des articles originaux. 
Article 2
L'usurpation d'identité, y compris sur réseau de communications électroniques, sera punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Article 3
Les peines encourues pour certains délits de contrefaçon commis « en bandes organisées » sont aggravées : dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.
Article 4
Pour lutter contre la pédopornographie, les fournisseurs d'accès à Internet devront empêcher l'accès « sans délai » des utilisateurs de l'Internet aux contenus illicites
Articles 5 à 9
L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques est facilitée :
- elle est étendue à la recherche de l'identité de personnes décédées,
- Des agents spécialisés de police technique et scientifique pourront procéder d'office à l'enregistrement de données dans le FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques)
- la loi créé un fond pour financer le développement du FNAEG, dont les ressources proviendront d'un prélèvement sur la valeur des biens restitués aux assureurs ayant indemnisé les vols objets des enquêtes.
Article 10
Loppsi II assouplit également la création et la gestion des fichiers de police judiciaire. C'est l'un des gros morceau de ce paquet législatif. Le périmètre autorisé de ces fichiers concernera désormais tous les crimes et délits (y compris les contraventions jusqu'à la Vème catégorie), pour toute instruction sous l'autorité d'un juge ou toute enquête préliminaire (comme celles conduites par le procureur Courroye jusqu'en novembre dernier sur les différents volets de l'affaires Woerth/Bettencourt), relatives aux troubles à la sécurité ou à la tranquillité publiques et aux atteintes aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État. Que reste-t-il hors scope ? Les PV de stationnement ?
- Les informations ainsi stockées concerneront toutes les personnes « sans limitation d'âge, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable » leur participation aux infractions objet des investigations. Tant que les auteurs ne sont pas condamnés, des informations sur les victimes pourront être stockées.
- Ces fichiers sont placés sous l'autorité des procureurs, qui bénéficieront d'un accès direct à ces traitements automatisés. Les données peuvent être effacées du fichier « en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive », sauf si le procureur en décide autrement.
- L'article prévoit toutefois qu'un autre magistrat soit désigné par le ministère de la Justice pour veiller à superviser la gestion de ces données personnelles, y compris leur effacement dans les mêmes cas et avec les mêmes règles que pour les procureurs. La loi n'explicite pas comment seront traités les demandes contradictoires relatives à ces données émanant des procureurs et de ce magistrat.
Articles 17 et 18
- La vidéoprotection a été étendue aux parcs d’attraction.
- La Commission des lois a supprimé la possibilité de communiquer les images filmées en videoprotection à des tiers en vue de recherche sur les technologies de captation, prévue par les sénateurs.
- La Commission a également supprimé l'obligation faite à la CNIL d'établir une fois par an un bilan des systèmes de vidéoprotection « comprenant des recommandations pour remédier aux manquements qu'elle a constatés
Article 22
La loi autorise les enquêteurs à utiliser un pseudonyme dans leurs échanges électroniques, être en contact « par ce moyen avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions »; et « extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions
Article 23
- La loi réintroduit la possibilité de recourir à la captation à distance de données informatiques dans les affaires de criminalité organisée.
- La Commission étend également les peines planchers pour les délits punis de moins de 10 ans de prison.
- Cet article contient aussi l'extension systématique de la prison à vie pour les meurtres de dépositaires de l'autorité publique (« un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions » ). Les sénateurs n'avaient pas finalement pas touché à cette disposition phare issue du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy le 30 juillet dernier.
- La surveillance judiciaire dès la libération (ie le bracelet électronique) « à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré » est durcie : elle concernera potentiellement les délinquants punis à au moins 5 ans (contre 7 auparavant) ainsi que les récidivistes punis à plus de 5 ans de prison.
Articles 25 à 28
- La Commission a allongé à deux ans le délai de récupération de points du permis sans nouvelle infraction (le délai actuel est de trois ans; les sénateurs l'avaient ramené à un an).
- Les députés doivent aussi se prononcer sur divers amendements sénatoriaux , comme l'instauration, pour les infractions les plus graves au code de la route, d'une peine complémentaire de confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à commettre l'infraction, si l'auteur en est propriétaire, cette confiscation étant obligatoire (sauf avis contraire et motivé du juge).
Le capital sécuritaire entamé
Pour le reste, ce paquet répressif est conforme à sa première version votée par les députés avant l'été : autorisation des scanners électroniques de passagers dans les aéroports, extension des sanctions prévues contre l'identification des agents secrets, mise sur écoute des étrangers clandestins dans l'attente de leur expulsion, généralisation tous azimuts de l'utilisation des fichiers de police et de gendarmerie (indépendance de la Nation, intégrité du territoire, sécurité, « forme républicaine » des institutions, défense, diplomatie, « sauvegarde » de la population en France et à l'étranger, défense du « potentiel scientifique et économique »), interdiction des supporters sportifs en cas de soupçons de « troubles graves pour l'ordre public », autorisation du dépistage de toute maladie virale chez toute personne susceptible d'avoir contaminé un policier, magistrat ou personnel pénitentiaire ; autorisation de la police municipale pour les contrôles d'identité, dépistages d'alcoolémie ou fouilles des bagages.
Il n'est pas sûr que Nicolas Sarkozy parvienne à capitaliser politiquement sur cette loi, autant qu'il le souhaitait. Sa séquence sécuritaire de l'été a fait flop, l'automne fut diverti par le conflit des retraites, le remaniement, les affaires Woerth et Karachi, et même Sarkozy semble s'être retiré des affaires, tout préoccupé par sa prochaine réélection et, accessoirement, la présidence française du G20. Pire, l'échec sécuritaire de l'action sarkozyenne depuis 2002 refait débat.
Last but not least, deux ministres se disputent depuis vendredi et la condamnation à des peines de prison de policiers jugés coupables d'avoir créé de faux documents accusant un automobiliste d'avoir heurté un policier. Le jour même, puis à nouveau dimanche, Hortefeux s'est lâché, attaquant ce jugement « disproportionné ». « Ces propos, je les confirme, je les revendique et je les assume.» Cette critique contre les magistrats n'a pas plu à Michel Mercier : « je rappelle simplement que lui n'est pas ministre de la Justice, mais qu'il est chargé des policiers » a-t-il expliqué dimanche. « Je serai toujours là pour défendre les magistrats.»
Cette querelle au sein même du gouvernement fait désordre. En d'autres temps, Nicolas Sarkozy serait intervenu. Mais il est coincé dans le costume de « président-arbitre-au-dessus-de-la-mêlée » qu'il s'est fabriqué depuis la rentrée.


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