Quand les sœurs Mulleavy débarquent pour la première fois à New York avec leurs dix robes et cinq manteaux et qu'elles déclenchent un tsunami mode de l'autre côté de l'Atlantique, on reconnaît leur audace mais on ne sait pas... on n'accroche pas. Tout ce « dégueulis » de matières, ces fioritures et ces enchevêtrements asymétriques qui ont l'air d'être leur patte n'avaient pas vraiment touché nos âmes et envies de « modeuses » arrogantes et européennes. Parce qu'il faut le dire, on a fait un peu les conasses en laissant de côté celles qui allaient devenir les chouchoutes de l'Amérique arty, luxe et couture. Il y avait une raison à cela : quand la griffe surgit sur le marché, elle ne ressemble à rien d'existant. C'est plutôt un bon point, nous direz-vous ! Oui, mais le problème, c'est que les marques difficilement analysables ont tout autant de difficultés à se placer dans nos cœurs.
automne - hiver 2010.Rodarte manque alors pour nous de codes, d'ADN, de références... Qui sont les sœurs Mulleavy ? Que veulent-elles ? D'où viennent-elles ? Pour qui créent-elles ? Finalement, ce qui nous embête, c'est qu'on se demande qui est vraiment la femme Rodarte ? Étant donné que leur explosion a été fulgurante et que toute starlette « modasse » du moment portait la griffe, on s'est dit : « OK ! Pffff ! Encore un buzz qui finira par s'essouffler ! ». Mais il n’y a que les vraies conasses qui ne changent pas d'avis (le premier qui dit qu'on est des vraies conasses, ça va chier! ) et vu que c'est la fin de la saison, on a commencé à s'intéresser à la prochaine, soit le printemps-été 2011. Printemps - été 2011.On a envie de dire que Rodarte a pris de la bouteille. Son allure est toujours destinée à une femme plus juvénile que ses consœurs luxe, mais il faut dire que le style a évolué vers quelque chose de plus sûr, de plus évident, quelque chose qui a l'air de moins partir dans tous les sens. Cet été, la femme Rodarte se veut plus choc dans une nouvelle sobriété qui lui va mieux. La patte si spécifique de la marque est encore là (et c'est tant mieux) : travail combiné de différentes matières, asymétrie et exercice de coupes improbables, entrecroisement des tissus pour un effet de déstructuration, les deux californiennes restent fidèles à ce qui a fait leur succès. Seulement, ce qui avant n'était que flou dans la mise en place de leur identité leur sert aujourd'hui pour s'imposer comme valeur sûre.
printemps - été 2011.Ce qui est certain, c'est que la marque des deux soeurs s'affirme dans sa position de nouvelle idole de la mode américaine, et tout ça en à peine cinq années d'existence. Dans la même veine que Proenza Schouler qui rappelle Rodarte dans son statut de nouvelle griffe jeune, luxe et hipEn nous proposant une jeune femme un brin excentrique et inaccoutumée, mais dans un ensemble d'allure beaucoup plus chic et aboutie, la marque s'impose dans sa singularité pour créer une nouvelle race de fans, une nouvelle race de femmes. Nous n'avions pas eu une telle originalité depuis longtemps, comme s’il n'était plus question de réinterpréter la mode mais de l'inventer tout court.
Printemps - été 2011 (encore).Si aujourd'hui Rodarte vit un succès que l’on n’avait pas vu depuis le relaunch sex de Gucci par Tom Ford ou le débarquement frénétique de la demoiselle clubbing couture de Christophe Descarnin chez Balmain, c'est tout simplement parce que la silhouette que les deux sœurs proposent est nouvelle et unique. Là où l'on acquiesce tout en applaudissant, c'est quand le design de cette jeune marque suit la même route depuis le départ, tout en évoluant dans un sens qui flirte avec la perfection.De plus, quand les dames européennes se parent d'un luxe Chanel ou Yves Saint Laurent et que leurs compatriotes américaines se tournent vers du Vera Wang ou du Michael Kors, Rodarte a l'arrogance de ne pouvoir être casé dans un style à cause de sa nationalité. Et ça, c'est beau. Printemps - été 2011 (toujours)Alors oui, on avoue, on a la « mauvaiserie » facile, mais on sait aussi reconnaître que des fois on est un peu trop rigides. Alors, courez chez Colette, dégainez vos carte de crédit, les nouveaux must have sont internationaux et étiquetés Rodarte. Hou ! la ! la ! C'est bon de savoir que notre mode a un avenir créatif qui n'a pas fini de se renouveler...
Bien à vous.