Fauve
CD 16 titres, 45 minutes
Illustrations de Tom Tirabosco
Gentlemen Records, 2006
http://www.myspace.com/musicbyfauve
[ 1 don’t just stand there, 2 cyberite, 3 on/off, 4 suddenly summer lasts, 5 silent witness, 6 cloudy, 7 sundown, 8 the analyst, 9 three magic words, 10 you’re beautiful, 11 one of these days, 12 after the tongue, 13 the milkman’s wife, 14 uke can’t get away from me, 15 the thin skin, 16 railways lines ]
Au début vous vous êtes dit quoi ? Au début vous vous êtes dit, « que ne voilà pas un CD pour la sieste ». Pas une note plus haute que l’autre, un rythme qui musarde, une orchestration courtoise et de bonne famille malgré quelques instruments goûteux et des bidouillages classieux; un chanteur pas la hussarde pour un sou tellement il est berçant et câlin, tellement berceur que ses mots se faufilent et se perdent dans une densité qui vous réveille bien vite : pourquoi il n’y a pas les paroles – sauf celles des titres mais avec elles on ne va pas loin – et la liste des instruments dans le livret ???
C’est que vous étiez en train de dormir, rappelez-vous en. Vous aviez même choisi ce CD parce que tout se ressemblait : ce n’était plus un CD 16 titres, mais un CD 1 titre avec 16 pauses, une confusion trouble et dissolue qui appelait à la plus coupable fainéantise. Miam miam !, il n’y avait pas mieux pour tomber du piédestal et pour une sieste d’une absolue pureté, pas du genre à vous mettre des épines dans les orteils ou un piercing promeneur entre les omoplates (on voit de tout de nos nuits). Repu, vous en finissiez même à faire des siestes dont vous n’aviez pas besoin juste pour savourer cette tisane sonore sucrée douce au tilleul crapuleux.
Mais à force d’en faire, des sommes brigands langoureusement aliénants, à force de ne pas émerger de vos phases de sommeil profond au moment de la même chanson – et les éveils sont toujours marqueurs serinez-vous à la Konrad Lorenz, vous en êtes venu à conjecturer que ce qui se ressemblait maintenant dissemble et que d’infimes nuances naissent d’infinies élégances. Vous voilà donc à l’horizontale mais en chasse, en chasse à la nuance, en chasse aux paroles, une chasse aux intimes traces, une chasse qui redonne vigueur et santé à votre oreille. Rien d’épuisant ni d’indisposant, vous vous rénovez vous endormant, le matelas sonore est une surface douce qui s’ouvre sur des profondeurs qui le sont moins, à même de donner quelque sueur, qu’elle soit bonne (you’re beautiful) ou mauvaise (the analyst). Ce sont les pièges et les risques du sommeil, les chausse-trappes des siestes, le mauvais reproche fait au classique, en chambrant ou de concert : si c’est si lisse, c’est pour que ça vous fasse glisser jusqu’à très loin.