Le spectacle avait pourtant débuté doucement, la bande préparant le terrain avec la très vaporeuseDors dans mon sang, médusant du même coup la foule, un pied ballant dans le vide. Mais ce n’était qu’une question de secondes avant que la folie ne s’empare de la salle, les gars se lançant dans l’interprétation ininterrompue de Le Pyromane, l’Acouphène et Les chemins de verre
Il aura fallu attendre la sixième chanson avant d’entendre des pièces des albums précédents, Le compteur de l’album Le volume du vent venant briser la glace. Les gars de Karkwa sont visiblement à l’aise lorsqu’ils sont sur scène. Louis-Jean Cormier s’est payé la traite, y allant d’un « Est-ce que je peux attacher mon soulier dans un moment de détente comme ça? », de clins d’oeil à l’endroit de Coeur de Pirate ou de Maxime Landry (le gagnant de Star Académie, pas le gars de l’hélicoptère TVA), et d’un éclat de rire alors qu’il oublie les paroles de La facade: « Ouf, c’est loin hein? », s’exclame-t-il devant la foule amusée. Louis-Jean blâmera même les « fantômes du Métropolis » pour des cordes de guitare qui se brisent toutes seules et d’autres problèmes techniques qui les affligent depuis le début de la soirée.Mais ce n’était rien pour gâcher le plaisir des spectateurs qui entamaient en choeur la plupart des paroles des chansons, goûtant chaque note offerte dans une ultime communion. C’est qu’on a été servi à souhait par des versions complètement retravaillées de certains morceaux: L’épaule froide, très jazz,Marie tu pleures, électrique à souhait ou encore Les vapeurs, complètement transfiguré par la simple guitare acoustique de Louis-Jean et les effets sonores éclatés du claviériste François Lafontaine. Et que dire de cette version piano-voix de Mieux respirer sinon que toute la salle vibrait à l’unisson. Quand des créateurs savent retravailler leur matériel de la sorte, on départage les grands musiciens des petits, les enfants des adultes. Il y a peu d’artistes, d’ici ou d’ailleurs, qui osent revisiter leur univers à ce point.Les éclairages, entre autres composés de longs et minces supports disséminés ça et là sur la scène appuyaient bien chacune des pièces, des ampoules scintillantes durant les passages éthérés aux flashs intenses des envolées plus rock. Le son était parfaitement équilibré, peu importe la chanson et où l’on se trouvait dans la salle.Karkwa est visiblement au sommet de son art, comme peuvent en témoigner les récents prix Polaris, Felix et autres, iTunes consacrant même Les chemins de verre dans le Top 20 des meilleurs albums de 2010, toutes catégories confondues. Mais c’est en les voyant en spectacle qu’on peut mesurer tous les bouleversements qu’ils ont causés à la chanson francophone québécoise depuis leurs débuts en 2003. Rarement un groupe d’ici aura autant fait l’unanimité.