NINA ATTAL, St-Saulve, Espace Athena, 10 décembre 2010
de Philippe Macquet
J'ai découvert Nina Attal il y a environ deux mois, d'abord sur des vidéos enregistrées en 2007 alors qu'elle avait à peine 15 ans : elle se produisait alors dans un club parisien, et y jouait et/ou chantait entre autres "Brush with the Blues" (Jeff Beck), "Crossroads" (Robert Johnson), "Cocaine" (J.J. Cale), "Choo Choo Mama" (Ten Years After), "Too Much Alcohol" (Rory Gallagher), et j'en passe ... Assez surprenant pour une gamine de cet âge !
Deux ans plus tard, en 2009, elle remporte, dans le concours tremplin du festival Blues sur Seine, la majorité des prix et obtient ainsi la possibilité de se produire au festival de blues de Cahors, se voit offrir une tournée au Canada où elle aura les honneurs d'un reportage TV, et bien sûr se voit engagée pour l'édition 2010 du festival qui l'a révélée, où elle partage l'affiche avec la guitariste serbe Ana Popovic (que j'ai souvent évoquée dans des articles précédents). A 18 ans à peine, Nina Attal, qui a déjà joué sur scène avec des stars internationales du blues telles que Boney Fields, Lucky Peterson et Jean-Jacques Milteau fait désormais figure de révélation de l'année sur la scène blues/soul française.
Impressionné par les vidéos de ses prestations, je m'étais mis à scruter son agenda à la recherche d'opportunités pour la découvrir en live pas trop loin de la Belgique. St-Saulve, près de Valenciennes, où Nina se produisait ce week-end, représentait certes une belle occasion, mais la neige avait envahi nos régions et contraint les organisateurs de reporter la Blues 'N Rock Night, prévue à Lille la semaine précédente. C'est donc avec un grand soulagement que j'ai accueilli le redoux, venu juste à point ce vendredi pour rendre mon déplacement (280 km AR, tout de même) moins périlleux.
Pour se présenter sur la scène de Saint-Saulve, Nina avait rassemblé son groupe au grand complet : guitare (Philippe Devin), claviers, basse , batterie (Julien Audigier), mais aussi une section cuivre (Sylvain Fétis au saxophone et Olivier Bridot à la trompette).
Avec un groupe de musiciens à peine plus âgés qu'elle, Nina Attal a amorcé un virage vers un blues moderne, teinté de soul et de funk. Sa setlist comprend ainsi quelques jolies adaptations auxquelles sa jeunesse confère beaucoup de fraîcheur : "It's About A Dollar Bill" (Johnny 'Guitar' Watson), "The Other Side of the Pillow" (Prince), "Gimme What You Got" (Keb' Mo), ou encore "Meet Me Halfway" (Bernard Allison) pour clôturer la 1ère partie de son concert. Entretemps, toujours dans cette même veine, elle a joué un premier extrait du mini-album "Urgency" (5 titres signés Nina Attal/Philippe Devin) qu'elle a sorti au début de cette année, "My Soul Won't Cry No More", donnant à son guitariste l'occasion de démontrer sa maîtrise de sa Stratocaster par un solo brillant.
Après une courte interruption, le concert reprend en douceur et en émotion avec "Stranded in Your Love" de Sharon Jones, et Nina s'offre une excursion au coeur du public, comme elle l'avait fait au New Morning. L'auditoire semble apprécier, certes, mais de manière surprenante, il ne manifeste qu'assez peu son enthousiasme. L'impression se confirme avec le titre suivant, une version rythmée du classique "Respect Yourself" (Joe Cocker, Bruce Willis, ...) : après un fantastique solo de Sylvain Fétis au sax, Nina tentera vainement d'obtenir l'appui du public pour chanter le refrain. La Pelforth de Noël et la Jenlain ambrée, en vente à l'entr'acte, auraient-elles un effet soporifique ?
Après avoir pioché dans le répertoire de Susan Tedeschi ("Hamptonized"), Nina va terminer son concert par deux autres extraits de son cd, "Output" et "Sexy 'n Crazy". Il y aura certes un rappel demandé par le public, mais à nouveau, l'exhortation à se lever et bouger restera sans effet : alors que la reprise du titre de Prince, "Head" aurait constitué pour le public une belle occasion de saluer les musiciens par une standing ovation, mais nous fûmes malheureusement quasi les seuls à nous lever.
A une superbe voix, Nina ajoute une belle présence sur scène, avec du mouvement en permanence, beaucoup d'expression dans les regards, une grande complicité avec d'excellents musiciens, et un évident plaisir de jouer pour le public. Bref, Nina Attal, c'est à la fois la fraîcheur d'une juniore, et la maturité d'une artiste confirmée. En paraphrasant une célèbre publicité pour la Clio, on peut déjà assurer : Elle a tout d'une grande.