Étudiant-parent : vie d’équilibriste

Publié le 13 décembre 2010 par Mcetv

Élever un enfant et poursuivre ses études, soit jongler entre les cours, les examens et les biberons, n’a rien d’évident. Rencontres avec ces étudiants passés maîtres dans l’art de l’organisation

Tous les matins depuis la rentrée, Anne et Léa font la route ensemble jusqu’au Crous de Paris, à deux pas de la faculté de médecine Cochin-Port-Royal. L’une est étudiante et prépare les concours administratifs, l’autre attend sagement de souffler… sa première bougie. « C’est en recherchant des crèches dans le 14e arrondissement que je suis tombée par hasard sur la crèche universitaire du Crous », avoue Anne, jeune maman de 29 ans, « Mon conjoint rédige sa thèse, et sans cette place en crèche, ça aurait été compliqué de continuer tous les deux nos études… »


Les problèmes de garde

Comme Anne, plus de 5 % des étudiants français sont parents. Mais les crèches universitaires, comme celle qui accueille Léa, se comptent sur les doigts de la main. Destinées en priorité aux enfants d’étudiants et parfois aussi à ceux du personnel universitaire, la plupart de ces crèches ont étaient créées au lendemain de mai 68, sur proposition des élèves et de leurs syndicats. L’avantage de ces structures : être situées sur le lieu d’études des parents et proposer des horaires adaptés aux cours. La dernière née, sur le campus de Toulouse, peut accueillir plus de 60 enfants. Une exception, car en général le nombre de places ne dépasse pas les 30.

La plupart des parents étudiants interrogés se plaignent des difficultés rencontrées pour faire garder leurs enfants. Lucile, diplômée depuis quelques mois, se souvient de la première rentrée après la naissance de son enfant, il y a deux ans : « En novembre, j’ai informé un de mes professeurs que je ne pourrai plus venir à la fac, car j’avais un problème de garde pour mon fils. » Obligée de veiller sur son garçon, c’est de chez elle que la jeune femme poursuit ses études. Au stress s’ajoute la fatigue : « Ça a été beaucoup plus dur que ce que je pensais. Baptiste n’avait que quelques mois, il dormait peu, donc moi aussi. J’étais épuisée. » Grâce à une amie qui lui transmettait ses cours de droit, et à certains enseignants compréhensifs, la jeune femme à néanmoins obtenu ses diplômes.

Des aides mais pas de statut

Être étudiant signifie aussi souvent de faibles rentrées d’argent. Marine et son conjoint seront parents dans quelques semaines. Ils ont tous les deux décidé de poursuivre leur scolarité. Depuis plusieurs mois ils ont entrepris des démarches pour obtenir des aides, mais comme l’explique la future mère : « En tant qu’étudiante enceinte de moins de 25 ans, j’aurais pu bénéficier du RSA majoré (ndlr : revenu de solidarité active). Mais il m’a été refusé, car je vis avec le papa. » Marine tente actuellement un recours pour obtenir une bourse pour l’année 2011, et le couple a aussi fait une demande HLM.

En France, il n’existe pas d’aide spécifique au statut d’étudiant parent. Si l’enfant est né après le 1er janvier 2004, ils peuvent néanmoins bénéficier de la Paje (prestation d’accueil du jeune enfant) qui comprend une prime à la naissance, une allocation de base, et un complément suivant le mode de garde et l’activité. Toutes les aides sont calculées en fonction des revenus et de la situation. En tant qu’étudiants, les jeunes parents peuvent aussi faire une demande pour une allocation d’étude ou une aide du Fonds de solidarité universitaire. Et pour arrondir leurs fins de mois, ils ont souvent un travail à côté : intérim, gardes d’enfants, jobs d’été, etc. Seul impératif : réussir à concilier études, emploi et vie de famille.

Négocier pour aménager son emploi du temps

Certains cursus se prêtent mieux que d’autres à cet emploi du temps plus que chargé. Noémie, déjà mère d’une petite fille de trois ans et au nouveau enceinte de huit mois, explique : « Je me suis arrangée avec mes professeurs pour pouvoir faire mon Master 2 de géographie en deux ans. L’objectif est de valider un maximum de matières ce semestre pour pouvoir l’année prochaine me consacrer à mon stage et mon mémoire. J’ai la chance d’avoir des enseignants qui me soutiennent et qui ont confiance en mon travail. »


Marie, étudiante en médecine qui doit accoucher dans quelques mois, achève actuellement un stage rémunéré. Mais elle ne pourra pas assister au prochain, qui coïncide avec la naissance de son enfant. Elle a réussi à négocier avec l’université et ce stage sera donc automatiquement validé, mais elle précise : « Je dois néanmoins réussir mes examens, et effectuer les autres stages. Et avec la naissance de mon bébé début mars, ça va être difficile de ne pas redoubler cette année… »

Au final, tous les étudiants interrogés s’accordent sur un point : la naissance d’un enfant donne tout son sens à la poursuite et à la réussite des études, car c’est une famille qui dépend dorénavant de leur avenir professionnel.

Eléonore Autissier


 

Pratique :


Les crèches universitaires :

A Paris, trois sites accueillent les enfants d’étudiants : la crèche du Crous de Paris, celle de l’Université de Paris-Dauphine, et celle du campus Pierre-et-Marie-Curie. En province, les universités de Caen, de Rennes, de Toulouse, de Lille III et de Lyon II, ainsi que le Crous d’Aix-Marseille proposent aussi ce type de prise en charge.

Les aides et les aménagements d’emploi du temps

Les étudiants parents peuvent bénéficier d’aides de la CAF et du Crous. Le mieux est de se renseigner le plus tôt possible auprès de ces deux organismes.

Pour les aménagements d’emploi du temps, pas de règles, les décisions se prennent au cas par cas. Tout dépend de la politique de l’université et du cursus suivi. Certains enseignants se révèlent aussi plus conciliants que d’autres.

Il ne faut pas hésiter à parler de sa situation, des solutions peuvent être trouvées pour éviter le redoublement ou l’arrêt des études.