Depuis la sortie de son premier album, "Music for the imaginary", le compositeur établi à Boucherville (Québec) a fait bien du chemin. Réputé notamment pour ses musiques de films ou séries TV, il a déjà été en nomination aux prix Gémeaux et Gemini en 1999 et 2000 pour la musique de la série d'animation Bob Morane (diffusée en France par Canal + et France 3). Mais le talent de ce fils spirituel de Vangelis et Carl Orff ne se limite pas à ses réalisations pour la télé ou la publicité. Touche à tout d'une créativité sans borne, cet iconoclaste génial continue à bousculer les canons de la musique Nouvel Age avec des productions toujours originales et abouties. A l'époque de notre rencontre, Paul Baraka disait poursuivre un seul but : arriver à recréer les superbes musiques entendues durant son coma...
Demo du compositeur Paul Baraka
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Titus - Paul Baraka, nous allons bien sûr revenir sur ce déclic, cet instant de votre vie qui vous a inspiré une certaine métamorphose, mais j'aimerais que l'on revienne tout d'abord sur vos origines. Je crois que vous êtes né au Liban. Vous y avez vécu ?
Titus - Ca vous inspire, ces origines ?
Oui, c'est relativement nouveau parce que je suis en train de redécouvrir mes origines. Je suis récemment retourné en Grèce... Les Grecs étaient de grands philosophes et les Egyptiens ont un côté mystique et spirituel. Tout cela m'influence de plus en plus.
Titus - Ces origines apparaissent en filigrane dans votre musique où de nombreuses influences de cultures diverses se côtoient. Je pense à des morceaux comme "African dream" ou "Macedonia" où l'on décèle une touche orientale, non ?
Tout à fait. Pour ce qui est de "Macedonia", ça a été inspiré par l'histoire d'Alexandre le Grand. J'avais visité l'expo sur Alexandre le Grand au palais des Civilisations. Alexandre le Grand n'était pas un destructeur; c'était un conquérant mais il ne détruisait rien. J'ai beaucoup admiré ça et j'ai essayé de le traduire en musique. Rendre compte de cette puissance qui n'était pas agressive !
Titus - Les expériences de mort imminentes fascinent toujours. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous est arrivé ?
Titus - Avez-vous le sentiment d'être parvenu à reproduire, dans votre premier disque, la musique que vous aviez entendue ?
Non, je dois souligner que la musique de cet album n'est pas exactement celle que j'ai entendue. Je suis encore en train de la chercher... Ce que j'ai entendu n'était pas très paisible. Rien de calme ou serein. Ce n'était pas le Requiem de Mozart. C'était plus dynamique... Mais je n'ai pas encore trouvé les mots pour décrire ce que j'ai entendu.
Titus - Avez-vous le sentiment d'avoir vécu une expérience de mort imminente ?
J'en ai pris conscience après coup... J'ai subi quelques contrecoups peu après mon coma. De mon état semi-comateux, je ne me souviens que de la musique, donc je ne peux pas en dire grand-chose. Mais certaines choses me sont revenues plus tard : le fameux tunnel notamment. je pense avoir vécu des moments très intenses mais je cherche encore la réponse. Cela m'encourage dans ma quête intellectuelle. Je crois qu'il y a quelque chose après la vie, j'en ai la conviction. J'essaye de trouver des réponses au travers des sciences pour arriver à expliquer ce qui s'est passé. A un moment donné, j'ai eu un accident en faisant du sport. Je me suis cogné la tête et cette petite commotion cérébrale a causé beaucoup de choses. La musique s'est imposée de plus en plus, notamment pendant mes rêves. Lorsque j'en parle comme ça, je dois donner l'impression d'être quelqu'un de très troublé, mais en fait, pas du tout. Je trouve ça très inspirant. Pour moi, le seul lien entre nous et l'au-delà, c'est la musique. Parce que la musique nous amène parfois à des niveaux de conscience et de vie extraordinaires. Toutes les religions l'ont bien compris.
Titus - Qu'est-ce qui avait provoqué votre coma ? Etait-ce un accident ?
Non. C'était une déprime. Ca a commencé avec une mononucléose, une extrême fatigue, et ensuite ça s'est accentué à cause d'une déprime profonde qui m'a amené à m'autodétruire, j'imagine. J'ai vraiment failli y passer...
Ecouter la réponse de Paul Baraka, dans Calypso, sur CINN FM :
Pour moi, c'est un moment de révélation puisque toute ma vie, désormais, est basée sur la musique. Cette expérience m'a tellement obsédé que je me suis présenté au Cegep Saint-Laurent pour m'inscrire à une formation musicale. Ils ont fini par m'accepter, même s'ils me faisaient remarquer que je n'avais aucun antécédent musical... Pour moi, cela n'avait aucune importance. Mon but, c'était d'arriver à reproduire ce son que j'avais entendu pendant mon coma. J'ai commencé par écouter beaucoup de musiques : du classique, du médiéval, mais aussi du très moderne...
Titus - C'est vrai qu'on décèle une foule d'influences, et notamment l'empreinte de la musique classique, dans ce que vous écrivez !
Titus - Pourquoi, au moment où vous avez décidé de vous consacrer à la musique, vous êtes-vous dirigé vers le piano, un instrument que l'on retrouve de manière prédominante sur votre album ?
C'est un instrument complet, sur lequel on peut composer des symphonies entières. On peut rapidement mettre ses idées en pratique avec le piano. La flûte ou la guitare ne sont pas des instruments aussi complets. Il y a eu des transcriptions de la neuvième symphonie de Beethoven au piano et le résultat est fantastique. Cela n'aurait pas pu être fait sur aucun autre instrument.
Titus - Ca paraît tout de même extraordinaire car seulement deux ans après votre admission à ce programme de musique au Cegep Saint-Laurent, vous remportiez déjà le prix d'expression musicale du Cegep et vous avez aussi commencé à représenter l'établissement en compétition provinciale. Est-ce vrai que vous n'aviez jamais étudié la musique avant ça ?
Jamais sérieusement. Disons qu'à l'école, un peu comme tout le monde, j'avais fait un minimum de flûte et j'avais reçu quelques cours d'initiation. Mais je n'avais jamais imaginé devenir un jour musicien.
Titus - J'ai parlé tout à l'heure de métamorphose. Le mot n'était pas trop fort... Ca paraît incroyable de faire le chemin que vous avez parcouru en seulement deux ans !
Titus - Après le Cegep, vous avez poursuivi vos études à l'université de Montréal, où vous avez approfondi vos connaissances dans la musique de synthèse...
Au départ, j'ai été admis à l'université de Montréal en formation de piano classique. Mais cela ne me plaisait pas. J'ai réalisé que je ne pouvais pas évoluer dans un système aussi conformiste. C'était très strict : on faisait du classique, de l'électro-acoustique, du jazz, mais on ne faisait pas de tout. Et moi, je ne pouvais pas m'arrêter à un style et devenir un simple interprète. Et la composition était trop stricte. Il leur fallait toujours réinventer le monde et ce n'était pas mon but. Je ne dis pas que l'Académie est mauvaise, loin de là. Simplement que ça ne me convenait pas à l'époque. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir envie d'y retourner pour approfondir mes connaissances en orchestration.
Titus - Vous avez déjà beaucoup écrit pour le cinéma, notamment pour des courts métrages. Vous avez aussi écrit de la musique pour des vidéos promotionnelles ou publicitaires. J'ai relevé aussi que vous aviez écrit de la musique de ballet pour la chorégraphe Iro Tembeck, en plus de compos speed metal contemporain, et d'autres dans le style pop dance... C'est tout de même très éclectique comme approche...
Je crois que toute musique a sa valeur. Il faut juste savoir l'écouter en tenant compte du contexte dans lequel elle a été émise. J'ai voulu expérimenter, et je compte bien continuer dans cette veine à l'avenir. Il va y avoir des albums plus chantés de ma part et des albums dans ce style. J'aime tous les styles. Ma collection va du Nirvana à du Ligeti.
Titus - Votre album s'intitule "Music for the imaginary", c'est à dire "musique pour l'imaginaire". Est-ce qu'à votre avis, il se rapproche davantage de la musique que vous avez toujours cherché à recréer depuis votre coma ? Sur une échelle de 0 à 10, vous estimez en être où ?
Titus - J'ai écouté l'album en songeant à votre expérience. Les premiers morceaux m'ont fait penser au passage dans l'au-delà, une étape après laquelle on semble émerger dans un univers plus serein, que vous exprimez d'ailleurs par le piano, et puis la dernière partie de l'album semble représenter un retour à la conscience après l'éther...
C'est exactement ça. C'est aussi à l'image de l'aventure de la vie. Quand on est jeune, on croit à tout. On est prêt à tout absorber, et puis on revient un peu sur terre. On voit tout ce qui est beau. Vers la fin de l'album, qui est plus intense, j'ai voulu donner l'impression de choc pour symboliser la société, ce qu'elle devrait être et ce qu'elle n'est pas. On le sait tous, dans le fond. C'est l'aventure humaine. J'ai toujours eu envie de savoir ce que l'homme fait sur terre. C'est la question que tout le monde se pose. Depuis que j'ai l'âge de lire, je me suis toujours intéressé à la question. Les mouvements quantiques, la théorie du chaos, la genèse, tout cela m'influence dans la composition et c'est là que je suis aller piocher mes thèmes.
Titus - Ce questionnement, on le retrouve à l'écoute de votre album. Le piano sert aussi à distiller les souvenirs et les rêves...
Ecouter la réponse de Paul Baraka, dans Calypso, sur CINN FM :
C'est vrai que c'est un instrument, en tout cas pour cet album, de douceur. Il était le symbole du romantisme, l'époque pianistique que je préfère. J'ai souhaité l'utiliser de manière minimaliste : créer l'émotion avec un minimum de notes. Je trouvais ça fantastique. J'ai passé le stade des hyper virtuoses où il fallait faire le plus de montées et de descentes d'octaves. Je n'ai pas voulu un album de virtuosité mais plutôt un album de simplicité. Et le piano représente la simplicité...
Titus - Et on observe le contraste avec des pièces plus torturées, à l'image d'"Orpheus", une pièce d'une puissance remarquable qui m'a fait penser au "Carmina Burana" de Carl Orff...
On a trop associé "Carmina Burana" au côté noir, satanique presque. Mais le côté noir est en chacun de nous... Cette pièce, pour moi, représente une révolte, puissante mais juste. A mon sens, on pourrait dire la même chose au sujet de "Carmina Burana". C'est une libération. Ce n'est pas aussi noir qu'on le dit parfois...
Titus - Pour ma part, je n'ai pas trouvé ce morceau lugubre. Plutôt dynamisant, en fait, à l'image d'une reprise de conscience, de la nécessité de faire face à la réalité...
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le site MySpace de l'artiste : Paul Baraka.
Le site officiel du compositeur.
LA DISCOGRAPHIE DE PAUL BARAKA :
"Music for the imaginary" (1998 - réédition en 2007)
"Elyxium" (fin 2007)
"Biofear" (fin 2007) : spectacle conçu et réalisé par Paul Baraka.
BO du documentaire "Le chemin des étoiles" de Jean-Claude Marin (2006), sur les pèlerinages à Compostelle.