Mais ça patine...
Jorion ne sort pas de son idée "d'interdire les paris sur les prix" ce qui ne veut pas dire grand chose. Tout le monde parie sur les prix dès qu'il investit dans quelque chose de "concret" ou de "virtuel" ce qui du point de vue de la définition de la valeur ne constitue en rien une différentiation pertinente. Je ne vois pas comment ni avec quelle légitimité, on peut empêcher les joueurs de World of Warcraft de faire du trading dans le jeu, avec la monnaie du jeu, puis de revendre la monnaie du jeu ainsi gagnée en "monnaie réelle". C'est ce qu'ils font, sur leur temps (donc leur investissement), et ils y prennent plaisir, sans léser personne que ceux qui ne connaissent pas WoW et ne comprennent pas grand chose à l'économie multiforme et révolutionnaire de l'informatique.
S'ils le font dans un jeu aussi "virtuel", qui peut l'empêcher et avec quelle légitimité dans ce qu'on appellerait le "réel" ? Qu'est-ce qui est "réel" ? La valeur est liée au simple désir d'obtenir quelque chose, quoi d'autre ? Le désir est-il "virtuel" ou "réel" ? Il n'y a pas de choix à faire de ce côté là. Ca n'a aucun sens. Définir de façon péremptoire ce qui est valeur ou pas, c'est tenter d'imposer ses vues à autrui. C'est de l'ordre du rapport de force et c'est détestable.
Le fondateur de "bankrun2010" proposait lui de mettre son argent dans des Banques "responsables", et là, c'est bien une idée audible, mais je suis toujours très circonspect sur l'approche, je l'affirme haut et fort à qui peut l'entendre. En quoi mettre la poussière sous le tapis, fait-il disparaître la poussière ? En quoi passer l'explosif au voisin supprime-t-il l'explosivité ? En quoi passer le poison à la prochaine génération aura-t-il été un changement curatif de système ? En quoi le principe du jeu des chaises musicales est-il légitime pour gérer l'économie ?
A aucun moment ces "débatteurs" ne remettent en cause le système dans ses fondamentaux ultimes. Un système qui crée de la monnaie par effet de levier, et rémunère l'initié, l'émetteur central, le système bancaire au % sur la monnaie émise.
Parce qu'ils n'ont pas d'alternative. Ils n'ont pas pensé la monnaie. Ils ne voient pas les causes, mais tentent de réparer leurs conséquences visibles.
Où est le débat sur les fondamentaux ultimes d'un système monétaire ? Il n'existe pas, parce qu'il n'est pas compris. On tente seulement de le rendre plus supportable, comme un esclave enchaîné qui demanderait un peu plus de longueur à sa chaîne.
Quelle est la légitimité d'une monnaie arbitrairement émise ? Pourquoi des producteurs libres accepteraient d'être soumis au dictat d'un comptable central universel auto-proclamé, rémunéré à la commission sur les échanges, et non pas au temps et à la qualité de son travail, et qui serait très avantageusement remplaçable par un réseau informatique autonome tenant les comptes de chacun ? Depuis quand les ingénieurs réseaux se rémunèrent au chiffre d'affaire de leurs entreprises et de leurs clients ? Un fournisseur d'accès à internet, aurait-il la légitimité de se payer via une taxe sur les revenus de ses abonnés ?
Pourquoi des producteurs libres et co-propriétaires de leur espace commun, que sont les citoyens souverains, acceptent d'utiliser une monnaie commune, abitrairement contrôlée et taxée par une minorité ? Ceux là même qui se sont précipités sur l'intérêt d'un réseau symétrique et acentré, l'internet, au détriment d'un ancien réseau inefficace, désuet, centralisé, arbitraire, qu'était le Minitel, ne voient pas la structure du système monétaire auquel ils font allégeance.
Il n'y a pas de "faute" des Banques, non plus que du système des réserves fractionnaires. Tant que l'internet n'était pas accessible il était tout à fait justifié d'utiliser le Minitel. Mais du moment que l'internet est accessible, qui ne voit pas l'interêt d'un réseau permettant la libre production de biens et de services, le libre échange d'information, de débat, de rencontres ? Qui ne voit toute la différence que procure la symétrie d'accès et de production pour chaque individu à la fois émetteur et récepteur ?
Qui donc ne voit pas la différence entre un système monétaire centré, arbitraire, totalement incapable de répondre à l'explosion de la production individuelle libre, avec un système basé sur un crédit mutuel symétrique, universel, permettant à tous de produire et d'échanger sans entrave autre que le respect du crédit fait à autrui, de façon équitable et dans une mesure commune minimale ?
Le crédit mutuel minimal, symétrique dans l'espace et dans le temps, que constitue le Dividende Universel, conséquence de la Théorie Relative de la Monnaie, qui place l'homme comme centre d'émission fondamentale de la monnaie, tout comme centre d'appréciation libre de toute valeur, voilà qui change le système au plus profond de ses axiomes fondamentaux. Voilà un débat entre des conservateurs, les défenseurs d'un système du passé, et des promoteurs d'une alternative, d'un profond changement de paradigme.
Mais sauf à revoir profondément le consensus sur ce que doit être la monnaie ou pas, toutes ces agitations ne sont pas un débat, mais uniquement des réactions de colère, sans doute justifiées, mais insuffisantes dans le sens où elles sont incapables de proposer des alternatives, par ignorance des mécanismes qui font des axiomes fondamentaux les causes ultimes des effets induits par tout système.