1174.- A peine la musique d'ambiance a-t'elle le temps de s'estomper , le rideau celui de s'ouvrir que l'on est immédiatement emporté dans l'univers tourbillonnant des deux comédiennes qui virevoltent sur la petite scène de la Comédie des Trois Bornes.
Pendant plus de soixante minutes qui filent trop vite, on rit, on est émus, on s'amuse et surtout on s'attache à Camille et Madeleine les deux petites filles de "La Comtesse" qui s'amusent, se racontent et se dévoilent dans le grenier de la maison familiale où la mère a laissé un énorme vide en abandonnant enfants et mari.
Les situations s'enchaînent et ne nous laissent aucun répit mais elles prennent le temps de s'installer dans des dialogues à haute voltige pour ne jamais nous perdre.
J'ai été époustouflé par l'intention des comédiennes qu'elles tiennent et qui ne les quitte jamais depuis la première minute jusqu'à la scène finale. Les joutes verbales sont maîtrisées, déconcertantes de naturel et l'on oublie que le texte qu'elles ont écrit à quatre mains est d'une virtuosité absolue.
Je suis ressorti sidéré de la prouesse artistique émanant de ces deux jolis brins de femme agréables à voir jouer, danser et nous émouvoir.
Les deux tirades qu'elles ont tour à tour lorsqu'elles évoquent "la chose" m'ont fait penser aux Monologues du Vagin sauf que là, elles n'ont pas le texte à portée de main comme dans la célèbre pièce portée par un trio différent de comédiennes à chaque saison, elles l'ont appris par coeur et par le coeur, elles le portent dans leurs tripes.
Notre plaisir vient du fait qu'elles se donnent à fond dans tous les compartiments du jeu, la peine, la joie ... la colère où l'on sent la hargne véritablement monter en elles.
De plus comme si la coupe n'était pas assez pleine, la mise en scène est inventive, surprenante et les numéros musicaux sont une jolie soupape pour laisser un peu retomber l'émotion suscitée par certains moments dramatiques.
Tout est si vrai dans les situations et c'est étonnant de voir comment deux si jeunes femmes peuvent parfois nous faire revivre des moments de notre vie qui ont été joyeux ou douloureux.
Cela s'appelle peut-être la Grâce et moi j'appelle cela un moment de pur bonheur si ce n'est du beau et grand théâtre.
La dernière fois que j'ai ressenti cela pour une pièce a été lorsque j'ai vu L'Ingénu par Les Compagnons de la Chimère emmenés par le génial Arnaud Denis, le plaisir du bel Art ne se calcule pas, on le prend quand il frappe à sa porte.
Merci Justine, merci Dana.
"Les petites Filles modernes" de Dana Letourneur et Justine Rémy à la Comédie des Trois Bornes