"La France". Tout un programme. Et pourtant, la Bibliothèque nationale n'héberge que quelques clichés... d'une star de l'image certes, mais de lieux bien peu présomptueux : des devantures de charcuteries, des angles de rues de bourgs de campagne, des caravanes garées devant des pavillons, des affiches écornées, etc. A voir jusqu'au 9 janvier.
Entre Berck-sur-Mer et Cannes, la Normandie et le Languedoc, Raymond Depardon a photographié une France de sous-préfectures, une France dont on parle si peu, grise. Les hommes comme les animaux y sont rares, ne reste que leur passage, affiches, voitures, ou fauteuils. Cette France de l'entre deux, ni glorieuse ni miséreuse, accroche le visiteur par ses couleurs : les 36 tirages argentiques très grands formats, que Raymond Depardon a pris soin de traiter avec les meilleures « scan » numériques de l'époque, éclatent. Point de légende accolée à ces photos, le spectateur tente donc, grâce aux indices humains ou physiques, de tester ses connaissances géographiques. D'après le site internet de la BNF, Depardon « montre les conséquences de l’explosion des villes françaises durant la seconde moitié du XXe siècle qui a créé des usines à vendre en périphérie des villes entourées d’un océan de parkings, des zones péri-urbaines qui engloutissent les petites villes et les villages, la surexploitation immobilière du littoral et de la haute montagne… » Pour le visiteur qui n'a contemplé que 36 argentiques, difficile de faire une telle analyse. Pour lui, point de conclusion sociologique, urbanistique, uniquement l'impression d'avoir été témoin d'un regard d'artiste, œil décalé concentré sur l'angle mort, sur ce que nous, touristes assoiffés de grandeurs et de préciosité, n'avions même pas remarqué. Une France presque abandonnée, certes non par le béton, mais par la vie et les yeux des hommes, voire par la modernité : campagnes, villages, lieux touristiques délaissés une partie de l'année.
Le photographe, en revanche, n'est pas oublié. Après une petite mise au point fort utile associant les clichés en modèles réduits à leurs légendes, la démarche de l'auteur (le tour de France) est illustrée par quelques clichés de lui-même et de ces prédécesseurs qui l'ont influencé (Walker Evans, Paul Strand), ainsi que par l'exposition de tous ses cahiers de notes préparatoires. Cette glorification du travail de Depardon, -et la starification de l'auteur- est d'autant plus agaçante que l'exposition n'en a présenté qu'une infime partie. Il eut suffit que le photographe restât caché sous son voile rouge et qu'il gardât ses cahiers dans son tiroirs, pour qu'on lui rendre, par ce présent article, meilleur hommage.
A la BNF, site François Mitterrand, du mardi au samedi 10h-19h, le dimanche 13h-19h. Tarif : 7 euros / 5 euros pour les moins de 26 ans.