Il est depuis une dizaine d’années propriétaire d’une parcelle en Ardèche où il a planté des vignes et où il élève du vin, un Gamay très agréable qu’il nous a fait déguster au cours de la soirée.
François Théberge parle avec l’accent chantant. Pas celui du Sud où il s’est installé depuis une dizaine d’années. Celui du Nord, son pays d’origine qui est le Québec. Et sa passion résonne avec encore plus d’authenticité. François est arrivé en France pour honorer un contrat d’un an. Il est resté. Il a découvert un pays et ses vins. Ce qu’il pensait être jusque là une affaire de snobs est devenu une seconde passion … après la première qui reste le jazz.
Quelques mots (habituels quand il est question de vins) n’ont jamais été prononcés de la soirée : cru et argent n’étaient pas de mise. L’objectif était de partager un beau moment et si le bouche à oreille fait son bon office il sera encore moins facile de trouver une chaise mardi prochain pour la seconde édition de la série de quatre.
Je vous laisse imaginer ce que ce sera pour la troisième puis la quatrième. Mais l’Onde est un espace qui a sans doute de la ressource en terme de place, même si l’auditorium est un lieu fort agréable pour une telle entreprise, ne serait-ce que parce que son acoustique est excellente.
Papilles, pupilles et oreilles furent réjouies.
Il y avait à voir. La complicité des musiciens, leur gestuelle, la connivence qui progressait entre eux et la salle … les éclats dorés du trombone, le mouvement de la coulisse qui a quelque chose de comparable à la gestuelle du matador, la transparence cramoisie des verres …
Il y avait à entendre. L’ascension dans les aigüs, la surprise des juxtapositions, la cueillette d’une super belle dernière note.
Il y avait à déguster. Loin de l’atmosphère lourde des foires aux vins. En toute modération (il ne faut pas l’oublier, voilà c’est dit). Le Pinot noir et le Chardonnay sont partout. Ils ont colonisé les vignobles comme les tourterelles turques ont envahi nos parcs et jardins publics. Il existe pourtant d’autres cépages.
Conçu pour gagner en caractère et se développer au fil des années, ce vin exhalait des arômes très fruités. On pourrait dire qu’aux vins biens nés la valeur n’attend pas le nombre des années. Ou plus sérieusement, comme l’écrivait Curnonsky : il a le goût de ce qu’il est …
Pour l’apprécier à sa vraie valeur, il est préférable de ne pas avoir d’attentes et de rester ouvert, sans a priori. Ce n’est pas un secret et c’est applicable au vin comme à la musique et aux rencontres.
Avec un vieux thème de la musique de la Nouvelle-Orléans François Théberge nous a placé en territoire familier et nous a préparé à tentativement goûter son Gamay à lui. Il le trouve rigolo, alors qu’il est plus sérieux qu’il n’y parait. Léger, bien évidemment puisqu’il est jeune, laissant de jolies coulures sur la paroi du verre, attestant sa teneur en glycérol, avec un support calcaire qui se laisse vite deviner et une douce saveur de réglisse en fin de bouche.
François Théberge ne jure que par les vins naturels. Il hait les sulfites quand ils sont rajoutés. Hervé Souhault explique son travail, uniquement avec des levures indigènes du raisin. Avec néanmoins une dose de soufre qu’il qualifie d’homéopathique avant la mise en bouteille et rien d‘autre.
Le vigneron répond en spécialiste, pesant ses mots pour être juste. On devine que tout est question de mesure et d’harmonie, … comme au final en musique.
Le blues se fait angulaire, très beau, très lent, en si bémol. C’est Mistérioso de Thelonious Monk. On peut bien qualifier le duo de saxophone agricole et de trombone rural pourvu que ce soit avec tendresse. On aura tous compris qu’ériger la simplicité en credo est un art.
La prochaine édition de la série In vino musica est programmée le mardi 14 décembre. François Théberge invite ce soir là Catherine Breton, vigneronne de la Loire.
l'Onde - Théâtre et Centre d'Art, 8bis, av. Louis Breguet, 78140 Vélizy-Villacoublay
Tél 01 34 58 03 69, fax 01 34 58 03 39, www.londe.fr