François Baroin réunit ce mardi 14 décembre le Comité national de lutte contre la fraude. Il se réjouira sans doute des efforts entrepris par le gouvernement pour lutter contre les fraudes fiscale et sociale. Sur la fraude sociale, il aura tort.
Dans un rapport de septembre 2010, la Cour des comptes n’a pas mâché ses mots : « les caisses nationales (de Sécurité Sociale) n’ont que peu diffusé les meilleures pratiques, peu réfléchi aux organisations à mettre en place dans les caisses et ne procèdent pas à un examen caisse par caisse des résultats obtenus […] La mise en œuvre d’une stratégie de mobilisation des caisses est donc nécessaire, pour mieux estimer le niveau de la fraude potentielle, en détecter une part accrue, enfin pour sanctionner une part plus large des fraudes identifiées ». Ce rapport va jusqu’à laisser entendre qu’une partie de la fraude est organisée par et pour le personnel de la Sécurité sociale : « la vigilance des caisses s’étend trop rarement aux opérations concernant les proches de leurs agents ». Il conclut : « il convient de souligner l’ampleur du travail qui reste à accomplir ».
Ce travail est connu. La Cour des comptes le demande depuis des années. Il faut d’abord fournir aux agents qui distribuent les aides les moyens nécessaires pour vérifier les droits des bénéficiaires : la connaissance des revenus et de toutes les aides reçues par un bénéficiaire et la possibilité de vérifier son identité.
En 2006 un amendement parlementaire a introduit dans la loi de financement de la Sécurité Sociale la création d’un « Répertoire national commun de la protection sociale » : un fichier, accessible à des agents assermentés, qui fournirait tous les renseignements dont ils ont besoin pour leurs contrôles. On supprimerait ainsi les déclarations trimestrielles de revenus « sur l’honneur » que remplissent les bénéficiaires d’aides.
L’administration a attendu trois ans pour publier le décret d’application de cette loi. Et ce fichier n’est toujours pas opérationnel. L’administration fait le maximum pour le rendre inutilisable. Les revenus du bénéficiaire n’y figureront pas. Comment dès lors contrôler les aides « sous condition de ressources » ? Un très grand nombre d’aides sociales n’y figureront pas : prime pour l’emploi (9 millions de ménages bénéficiaires) ; allocations-logement (6 millions) ; aides des collectivités locales ; exonérations fiscales (la moitié des ménages sont exonérés de taxe d’habitation); HLM ; CMU ; Aide médicale d’État (gratuité des soins pour les immigrés clandestins); prêt à taux zéro ; aides à la formation, etc. Pour les allocations qui y figureront, aucun montant ne sera disponible. A quoi pourra bien servir un fichier ne donnant aucun chiffre ? Tel qu’il est actuellement prévu, ce répertoire national sera un outil utile pour la communication du gouvernement, mais largement inutile pour les agents qui devraient s’en servir.
L’action du gouvernement pour permettre les contrôles d’identité n’est pas plus brillante. Certes une administration a été créée, occupant plusieurs centaines de personnes, pour établir des cartes d’identité infalsifiables, avec photo numérisée, empreintes digitales et fichier de ces empreintes. Mais elle s’est contentée jusqu’à présent d’établir les passeports « biométriques ». Elle devrait maintenant réaliser aussi les cartes d’identité biométriques, en commençant par celles des demandeurs d’aides sociales. Encore faudrait-il que le gouvernement le lui demande.
Cette inertie du gouvernement répond au souhait des syndicats, en particulier la CGT, qui considèrent que les agents des administrations sociales n’ont pas à faire correctement le travail de contrôle pour lequel ils sont payés. La CGT appelle ce travail le « flicage des pauvres ». Les syndicats sont relayés par les directions des Caisses et administrations sociales qui, juges et parties, minimisent l’ampleur de la fraude. Et pourtant les rares rapports officiels, indépendants des administrations sociales, qui ont étudié la fraude, l’ont tous évaluée à plus de 14 % des allocations versées. « Le tiers des décisions concernant les handicapés ne sont pas justifiées » ; « les trois quarts des demandes (de prime pour l’emploi) présentent des anomalies », etc . A cause des fraudes, la Cour des comptes refuse de certifier les comptes des branches famille et vieillesse de la Sécurité sociale. Ce sont des dizaines de milliards d’euros, sur les 600 de notre protection sociale, qui pourraient être économisés en luttant sérieusement contre la fraude sociale.
Le gouvernement devrait s’inspirer de ce que font les Britanniques. Le gouvernement travailliste avait confié des audits à des sociétés privées. Le nouveau gouvernement de coalition a décidé de les étendre. Il va plafonner à 500 £ par semaine (environ 2 smics français) le montant total des aides par bénéficiaire. Les contribuables britanniques ne risquent donc pas de financer les 9 000 euros par mois que les Français versaient à l’imam polygame de Vénissieux, M. Bouziane.
A l’heure où le gouvernement français cherche à réduire nos déficits, son inertie dans la lutte contre la fraude sociale est incompréhensible.
Alain Mathieu, président de Contribuables Associés
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