Et la soeur ?

Publié le 13 décembre 2010 par Porky

Un certain nombre de personnes ayant lu Grand-père va mourir m'ont posé la même question : "Et la soeur, qu'est-ce qu'elle devient ?" "Rien", disais-je et pour couvrir ce que cette réponse avait de peu satisfaisant, je finissais par une pirouette du genre "elle bat le beurre dans son couvent".

Mais à force d'entendre cette question, l'idée peu à peu a fait son chemin. Pourquoi, en effet, ne pas reprendre ce personnage fantômatique dont on parle mais qu'on ne voit jamais, et dont l'ombre plane sur tout le roman, et essayer d'imaginer ce qu'avait pu être son existence ?

Et un beau jour, me voilà lancé sur les traces de "la soeur" ; quelques pages s'accumulent, puis encore et encore et soudain... arrêt total sur image, si j'ose dire. Impossible d'aller plus loin.

Il m'a fallu un certain temps pour comprendre les raisons de cette incapacité à poursuivre l'aventure. Tout simplement, je n'avais pas choisi le bon début, et le personnage en question me le faisait savoir en me coupant toute envie de continuer.

Alors, j'ai fermé le dossier, j'en ai rouvert un autre, et me laissant guider par ce que j'imaginais être l'inspiration, j'ai tout recommencé, en changeant complètement le début. Et cette fois, je ne m'étais pas trompé car les mots, les phrases, les images venaient naturellement sous mes doigts.

Leçon de cette anecdote ? Elle est très simple : à partir du moment où les problèmes dits "techniques" sont résolus (mode de narration, point de départ et point d'arrivée),  les personnages prennent le récit en charge et il n'y a plus qu'à se laisser porter par eux. On leur impose quand même l'utilisation de figures de style, sans cependant trop charger afin que l'histoire ne ressemble pas à un catalogue de métaphores-comparaisons-hyperboles-métonymies pour élèves en mal de commentaire de texte.

Bref, dans un roman, l'auteur n'a pas grand-chose à faire, direz-vous. Vous aurez tort, bien sûr. Car la partie technique a une grande importance ; mais ne négligeons pas pour autant cette force indicible qui permet à un récit de se construire sans que votre volonté consciente y soit pour quelque chose. Il y a là un élément essentiel qui dépasse l'entendement et que je ne saurais nommer.

Et lorsque les élèves me demandent, au cours d'une explication de texte : "Mais monsieur, l'auteur, il a vraiment pensé à tout ça ?", je réponds désormais "en partie, oui. Et puis il y a le reste, qui est mystère..."