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Marine Le Pen ou l'épuisement des signes

Publié le 13 décembre 2010 par Bernard Girard
Nous pensions en avoir fini avec les références à la seconde guerre mondiale dans la politique. Mais non, les voici de retour et de la manière la plus inattendue. Grâce à Marine Le Pen, la représentante d'une famille politique qui s'est plus illustrée dans la collaboration avec l'occupant que dans la résistance. "Il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires (…) s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire. (…) Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants." Le pense-t-elle vraiment? Peu importe : il lui faut durcir son discours pour séduire la frange ultra du FN et l'outrance islamophobe ne peut, dans le contexte des primaires (ou guerre de succession) à l'extrême droite que servir ses ambitions. Reste que l'on peut se demander à quoi rime ce retour insistant de la seconde guerre mondiale dans notre vie politique et ce qu'il nous dit de sa place dans notre imaginaire.
Nous avons connu la France du déni, celle toute résistante des gaullistes, l'aveu pompidolien de 1972 (il faut "jeter le voile", beaucoup de Français ont collaboré, des horreurs ont été commises des deux cotés, il serait temps d'oublier), aveu intéressé puisque, nous l'avons appris hier au détour d'une conversation sur l'épuration, son oncle paternel avait été condamné à mort, la "période Shoa" (les Français ont collectivement fermé les yeux sur les crimes commis en leur nom), l'hymne à la résistance (la Nouvelle Résistance des maoïstes du début des années 70), la saison de l'ambiguïté illustrée par le parcours de François Mitterrand, séduit par le pétainisme avant de devenir résistant et la reconnaissance de la responsabilité française avec le discours de Jacques Chirac sur le Vel d'hiv.
Henri Rousseau dit tout cela infiniment mieux que moi dans Le syndrome de Vichy. Dans ce livre paru au Seuil en 1997, il distingue quatre périodes : le deuil inachevé de l'immédiat après-guerre (de 1944 à 1954), le refoulements (de 1954 à 1971), le  miroir brisé (de 1971 à 1974), 'obsession (depuis le milieu des années 1970).
Et voici la sortie de Marine Le Pen. Avec tout ce qu'ils colportent d'absurdité historique, de brouillage maladroit des symboles, ses propos sont à ce point absurdes qu'ils me font penser que la charge émotionnelle de cette période s'est tout simplement évanouie. Quand les signes n'ont plus de sens on peut leur faire dire n'importe quoi. Et c'est bien ce qu'a fait la future candidate à l'élection présidentielle du FN.
Hier soir, trois films à la télévision en prime time se déroulaient pendant la seconde guerre mondiale. Trois divertissements insignifiants, inutiles que personne n'a remarqués.

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