La lecture des rapports de Wikileaks est absolument passionnante. Elle nous montre que les Américains ont une vision souvent très originale et moderne de l'Europe. Je pense à quelques phrases d'un câble consacré à la lutte contre le terrorisme en Espagne.
Son auteur propose de créer à Barcelone un "hub" anti-terroriste. Pourquoi Barcelone? Parce que c'est une ville dynamique, un port important, avec des communautés immigrées qui vivent en marge de la société et sont donc susceptibles de verser dans le radicalisme (il fait état de 60 000 paskitanais, le plus souvent célibataires et sans emploi installés en Catalogne), des groupes mafieux qui s'y sont installés pour développer leurs activités (trafic de drogue, de femmes…) et blanchir leur argent (25% des billets de 500€ qui circulent en Espagne se trouveraient dans la région de Barcelone). Mais Barcelone n'est pas la capitale de l'Espagne. Les Américains ne l'ignorent évidemment pas. C'est même à leurs yeux plutôt un atout, au point que ce hub qu'ils imaginent dans la capitale de la Catalogne (un officier accompagné de 7 attachés chargés de traiter, en collaboration avec les autorités locales des dossiers spécifiques) pourrait servir de modèle à des coopérations ailleurs en Europe : "The hub concept can also serve as a potential model of how we can work with our European allies in common purpose on law enforcement, security, and intelligence initiatives away from the more bureaucratic and politicized world of capital cities." Dit autrement, les spécialistes de la lutte contre le terrorisme américain ont pris acte de l'émiettement en cours de l'Europe, ils l'ont compris bien avant beaucoup d'Européens et sont prêts à (ou ont commencé de) ajuster leur politique en conséquence.