Un des derniers disques du jeune ensemble Stile Antico, "Heavenly harmonies" avait retenu mon attention, tant il servait avec grâce et conviction le caractère aérien, presque céleste de la polyhponie anglaise de la Renaissance (cf. note du 19 avril 2008).
Leur tout dernier disque s'attaque à une pièce d'une complexité certaine, la messe de Noël Missa puer natus est de Thomas Tallis, entrecoupant chacune de ses partie de motets d'autres grands compositeurs anglais comme William Byrd, Robert White, John Sheppard ou John Taverner.
Je ne nierai pas le très haut niveau technique de cet ensemble et sa belle homogéneité. Il faut d'autant plus saluer leur performance qu'il s'agit d'un ensemble vocal de quatorze chanteurs (4 sopranos, 3 altos, 3 ténors, 2 barytons et 2 basses). Le résultat procure une ampleur sonore certaine et une belle densité. Toutefois, malgré les éloges sans réserves de la critique, je suis finalement assez déçu par ce disque. Tout est très net, léché, parfaitement calé et ce qui manque, justement, c'est le grain, la dynamique, un travail plus abouti sur le phrasé comme seuls l'Ensemble Huelgas et le Collegium Vocal de Gant en sont visiblement capables. On retombre à nouveau dans tout ce qui oppose l'école anglaise d'interprétation polyphonique et l'école franco-flamande. La première est traditionnellement réputée pour sa technique irréprochable mais avec une lecture assez abstraite, plutôt froide des compositions polyphoniques. La seconde est plus axée sur une travail minutieux du phrasé pour tenter de soutenir le texte et d'articuler les modulations en fonction de la signifcation du texte, avec, le cas échéant, le rendu de certaines couleurs. Avec la polyphonie anglaise, tout cela se complique un peu. Celle-ci en effet comprend de belles échappées des registres aigus (sopranos) et une tessiture bien moins resserrée que celles des compositeurs franco-flamands et on pourrait donc dire que son caractère très aérien, ses envolées célestes s'accordent assez bien avec une lecture plus distanciée, assez linéaire et lisse.C'est justement ce qui m'ennuie un peu dans l'interprétation de Stile Antico. Cette perfection formelle ne comprend aucune brèche et de permet à aucune aspérité de se révéler. Le résultat est donc impressionnant du point de vue purement formel mais je trouve que la part de "mystère divin" que comprennent ces oeuvres se trouve estompée par un souci de ne pas aller justement au delà cette rectitude formelle. La seule pièce pour laquelle cette lecture s'avère sublime est l'étonnant Audivi vocem de caelo de John Taverner aux accents assez contemporains. Quand à cette messe de Noël de Thallis, on sent très bien qu'il s'agit d'un monument dont la complexité harmonique et rythmique est particulièrement intimidante. Au delà de cela, contrairement à l'ensemble The Cardinalls' Musick qui transcrit avec plus d'humilité et finalement plus de ferveur la musique de William Byrd, je trouve ce disque finalement un tout petit peu ennyeux. Peut-être parce que les pièces choisies sont aussi plus complexes, moins explicites et que justement Thomas Tallis est indéniablement le plus austère des compositeurs anglais de la période "tudorienne".
Plus de détails et extraits sur le site (décidemment ni fait ni à faire) du label Harmonia Mundi.
Puer natus est - Tudo Music Advent and Christmas - Ensemble Stile Antico - Label Harmonia Mundi.