Boulevard Le Pen. La femme par qui le scandale arrive, c’est bien Marine Le Pen. Mais ceux par qui le FN pourrait bien gagner dans les urnes, ce sont tous ceux qui, entre angélisme et petits calculs, offrent une incroyable tribune à la candidate à la succession de son père.
Il aura suffit de sortir opportunément le petit dérapage qui va biensur le plateau de l’émission “A vous de juger” sur France 2, où elle a attiré plus de téléspectateurs que François Fillon ou Martine Aubry… Les réflexes pavloviens ont fait le reste.
Tout ce qui est excessif est pourtant insignifiant. Les propos de Marine Le Pen comparant les prières des musulmans dans les rues à l’Occupation sont dans cette veine et n’auraient pas dus être montés en épingle comme ils l’ont été.
Comme l’avait souligné en son temps Laurent Fabius, le FN apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions. Au-delà de la campagne interne à la formation frontiste qui oppose la Marine le Pen à Bruno Gollnisch, la digne fille de Jean-Marie prouve qu’elle a l’intuition juste.
En l’occurrence, revenir en le caricaturant sur le débat ouvert par la droite et la gauche réunie sur la place de l’islam dans l’espace public. Du voile à la burqa, sans oublier les minarets, au moment où l’ensemble de l’Europe s’interroge sur son identité et sa destinée, la question des relations avec l’Islam, religion considérée comme invasive et peu compatible avec nos valeurs judéo-chrétiennes, est omniprésente.
Ni la droite, pas plus que la gauche, ne semblent en capacité de formaliser des dispositifs d’apaisement face à des relations qui se radicalisent.
En s’étant essayé à faire du FN light, la droite porte une lourde responsabilité car elle a ouvert un débat, ou plutôt une boite de Pandore, sans avoir assuré le service après vente. L’UMP a semé, le FN a récolté.
Et la gauche dans tout ça ? Utopique et toujours naïve sur la question des flux migratoires elle préfère rédiger à travers son texte sur l’égalité réelle des catalogues de bonnes intentions plutôt que d’écrire une notice de réparation des mécanismes républicains d’intégration qui ne fonctionnent plus.
La réduction des niveaux d’intention de vote FN à des niveaux acceptables suppose de sortir des impasses dans lesquelles nous conduisent droite et gauche. Le, mur dans lequel fonce la République, on le connaît. Ce serait un nouveau 21 avril. Notre démocratie, notre cohésion nationale en seraient gravement affectées.
Car comme le reconnaît Jacques Camus dans la République du Centre, il ne faut pas oublier qu’en dépit de leur énormité, les paroles de Marine le Pen rencontrent secrètement l’assentiment d’une partie de l’opinion. Pourquoi ? Parce que, les deux pieds sur le terrain, elle apparaît plus proche des préoccupations populaires.
Le temps est donc à la responsabilité. A celle en premier des candidats en lice pour les présidentielles de 2012 qui devront sortir des lieux communs pour ciseler un discours pragmatique, oscillant entre générosité mesurée et fermeté assumée. La barque des partis républicains, si elle veut éviter le naufrage, doit naviguer en évitant les récifs de l’extrémisme et de la diabolisation.
Avant de jeter, dans des habitudes élitistes, l’opprobre sur les français attirés par le discours du FN, la classe politique classique doit également s’interroger sur les effets de ses petits jeux, la disparition de la morale publique et son cortége, la perte de confiance dans la parole publique. A cet égard la stratégie du maintien coûte que coûte de ministres souillés par des affaires ou effrontément menteurs, de Woerth à Hortefeux pour ne citer qu’eux, fait le lit, jour après jour, du FN.
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