Tout cela est bel et bien mais, se dit-on, ne vaut pas le Goncourt. Sinon que le Goncourt aussi, maintenant, a salué Guy Goffette pour l’ensemble de son œuvre. Il rejoint une de ses compatriotes, Liliane Wouters, ainsi que Claude Roy, Yves Bonnefoy, Andrée Chedid, Philippe Jaccottet…
Il y a une trentaine d’années, du côté d’Arlon, Guy Goffette composait lui-même à la main une revue, Triangle, et des poèmes qu’il aimait, à l’enseigne de L’Apprentypographe. Il était déjà viscéralement attaché aux mots, forgeant des vers comme on grave le marbre: pour toujours, ou au moins au-delà de sa propre durée de vie. L’homme qu’il est porte au naturel le verbe haut, comme une revendication permanente, tandis que la musique de ses poèmes joue souvent de sonorités plus légères.
Guy Goffette ne peut se comprendre que si on le considère dans sa double démarche d’écrivain et de lecteur, à moins qu’il s’agisse d’une démarche unique sous le règne de la langue. Il est devenu rapidement chroniqueur à la NRF et à La Quinzaine littéraire, il est aujourd’hui éditeur chez Gallimard, conséquence logique d’une passion majuscule pour l’écriture des autres aussi. On ne compte plus ses préfaces, il a consacré des livres à Verlaine, Ardennais comme lui, à Auden, à Chavée…
Une sensualité sourde bat dans ses poèmes comme dans sa prose, émotion contagieuse qui fait naître des ondes longuement propagées sur une surface que l’on pensait claire et qui, pourtant, masque à peine de profondes inquiétudes.
C’est ainsi, soir après soir, / Que nous sommes devenus mortels, écrit le poète qui a, pareil aux autres, cru au bonheur, / Comme les gosses battant pavillon / Sur un peu d’eau croupie dans l’arrière-cour.
Bien sûr, il se vendra moins de Goncourt Goffette que de Goncourt Houellebecq. Mais le cœur peut bien pencher du côté du premier.