plage de Cape Tribulation, Queensland, Australie, le 13 aout 2007
Un rêve mauvais me prend souvent dans ses filets.
Nous sommes à Bornéo, à moins que ce ne soit Sumatra, je constate depuis la côte l'étendue des dégâts, je n'en reviens pas.
Je cherche les forêts, le concert des oiseaux à huppe, l'océan abyssal de verdure. Et je ne vois plus que des usines à cholestérol plantées méthodiquement, à perte de vue. A perte de vie. Sur un chemin de terre sanglante, un paysan et un orang-outan se regardent médusés, une main devant, une main derrière. La palme comme une gangrène. La palme de l'horreur.J'ai lu René Char ce week-end. L'immense poète :
"Pour qu'une forêt soit superbe
Il lui faut l'âge et l'infini".
Et encore :
"Trop sûrs de nos moyens nous ne devrions pas dénigrer mais pressentir le monde, ne pas le brutaliser ni le certifier, mais lui marquer que nous lui sommes attentifs et sans l'avoir insidieusement sollicité. Nous garderions vers l'intérieur une étoile naine au bord de son nid, tel un enfant forestier dans la circonférence de son abri tandis que ses parents abattraient à la hache le seul bois nécessaire à leur convenance."