Aujourd'hui, chez Gwen, l'atelier d'écriture est le suivant :
" Choisissez une fenêtre dans votre maison ou votre appartement. Installez-vous devant et décrivez ce que vous voyez, ce qui se passe dehors. Ce que ce spectacle vous inspire, vous rappelle, vous suggère… S’il ne se passe rien, si c’est la nuit (vous êtes peut-être à New-York ou à Singapour…), dites-le aussi… Si vous vivez dans un squat muré, allez plutôt au café du coin pour faire l’exercice…"
Et voici mon texte sous forme de deux portaits :
12/12Un dimanche matin sous un ciel plombé. Un homme âgé trottine à petites foulées. Les coudes près du corps. A chaque expiration, un petit nuage sort de sa bouche. Il fait son jogging matinal comme tous les jours depuis 15 ans. A la retraite, il a dû se trouver des occupations. Pendant que sa femme s’occupe de son ménage, il va courir. Torse bombé, il avance à fière allure. Il effectue toujours le même trajet. Encore que depuis quelques mois, il l’a raccourci. A cause de cette gêne, de ce serrement qu’il ressent par moment au niveau de la poitrine. Il n’a rien dit sa femme. Pensez-vous ! Elle qui est toujours fourrée chez le médecin même pour un simple rhume et qui lui fait souvent la morale : à ton âge, tu devrais quand même faire un bilan cardiaque ! Je ne suis jamais malade, je suis en pleine forme alors hein, pourquoi aller voir le médecin ? Mais là, il se dit qu’il devrait peut-être lui en parler. Pas tout de suite. Après les fêtes. Bientôt, son pas va ralentir. Il s’arrêtera, reprendra sa respiration. Il terminera à pied en prenant son temps. Il croisera d’autres joggeurs, des hommes plus jeunes .Ils le salueront d’un mouvement de la tête. En rentrant, sa femme lui demandera : ça a été ? Oui, comme d’habitude. Il évitera son regard. Promis, après le nouvel an, il lui en parlera.Un homme d’environ quarante ans. Fraîchement rasé, les cheveux mouillés, il marche à grandes enjambées. Soudain, il s’arrête, pose la main sur la poche de son blouson. Il la plonge dedans et en ressort des feuilles d’un journal hippique. Ses yeux brillent, les pages sont griffonnées. Cette fois, il est certain. Il va gagner au tiercé. Hier soir, il a étudié les dernières performances des cheveux, regardé les classements. Il y croit. Comme tous les dimanches depuis plus de 10 ans. Aujourd’hui, il va toucher gros. Il ne peut pas en être autrement. Au PMU, il va rencontrer d’autres turfeurs. Ils se connaissent, prennent un café ensemble et discutent. Chacun garde ses pronostics pour lui. Quand la course va commencer, les discussions cesseront. Tous les yeux seront rivés vers l’écran de télé. Les cœurs se mettront à battre plus rapidement. Les bouches fermées s’entrouvriront pour laisser sortir des encouragements murmurés ou comme sorti des entrailles. A la dernière ligne droite, on se lèvera pour donner un peu de chance à son cheval favori. Lui serre de plus en plus fort ses feuilles de journal. La fébrilité le gagne. Il ne reste plus que quelquesmètres avant la ligne d’arrivée. Il a vu juste ! L’excitation est à son apogée. Il rigole. Et puis, un cheval apparaît comme sorti de nulle part. Il dépasse tous les autres. Fin de la course. Hébété, il regarde l’écran. Il lui faut quelques secondes pour comprendre qu’il a perdu. Encore. Le patron éteint la télé. On rejoue la course, on commente avec des soupirs ou des exclamations. Il prend un café et se dit que dimanche prochain, ce sera la bonne. A la radio, au même moment, une chanson de Miossec passe : Oh Jésus, je n' tombe jamais sur le bon cheval
Oh Jésus, je me demande ce que j'ai bien pu faire de mal
Oh Jésus, ne trouves-tu pas ça anormal ?
Oh Jésus, ne te fais plus jamais porter pâle
Et que la foudre me tombe dessus
Même au beau milieu du P.M.U.
Et que tremble la Terre
Pourvu que je sois gagnant dans la dernière
Et triomphe alors le Mal
Et que je devienne enfin un peu moins sale
Oh Jésus, je ne tombe jamais sur le bon numéro
Oh Jésus, j'ai l'impression d'être devenu un moins que zéro