Pisa, une évaluation internationale des savoirs
« La France a raté son PISA 2009. Ce Programme international pour le suivi des acquis des élèves montre un pays tout juste dans la moyenne OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Rendue publique mardi 7 décembre, l’évaluation du niveau des élèves de 15 ans laisse apparaître une France très largement devancée. Les Etats-Unis réussissent mieux que nous en lecture et en sciences. Quant à l’Allemagne, derrière nous il y a dix ans, elle s’est ressaisie et nous passe devant en lecture, en sciences et aussi en mathématiques » Le Monde
Rappel : Cette évaluation touche les enfants de 15ans : il ne s’agit donc pas de l’accès ( scolaire ) à l’élite ( aux élites ) mais des compétences acquises à l’âge environ de la fin de la scolarité obligatoire
« Aujourd’hui, 20 % d’élèves sont en échec scolaire ; ils n’étaient que 15 % en 2000, ce qui montre une aggravation. » Les écarts de performance sont désormais plus forts en France qu’au Royaume-Uni, réputé pourtant pour son école à deux vitesses mais « où l’impact du milieu socio-économique sur la réussite scolaire est moins important que dans l’Hexagone », confirme Éric Charbonnier.( resp. PISA-France )
Pisa 2009 confirme que nos programmes fonctionnent pour les « bons élèves » puisqu’on a légèrement grossi le groupe des meilleurs élèves ( de 8,5 % des élèves à 9,6 % en lecture) , alors que globalement ce groupe a plutôt décru dans le reste de l’OCDE.
La France se classe parmi les pays où la discipline est la moins respectée, et où le climat s’est encore fortement dégradé en dix ans selon l’OCDE.
Une Ecole inégalitaire :
On peut, par exemple, remarquer que ( selon les données de l’OCDE datant aussi de l’année 2006 ) le coût salarial par élève dans l’enseignement primaire est nettement plus faible en France que dans la moyenne de l’OCDE ( 25° position pour 30 pays ), et également au collège ( mais dans une moindre mesure, même si l’on se situe encore dans les profondeurs du classement, en 22° position ).
Mais que la France soit le pays de l’OCDE aux résultats scolaires parmi les plus inégalitaires peut paraître des plus surprenants. En dépit ( ou plutôt à cause ? ) du fait que nous nous targuons d’avoir pour ambition » l’égalité des chances » ( versus » mérite individuel scolaire » ou » élitisme scolaire » ) ce qui, en bon français, signifie l’ambition affichée d’un recrutement socialement élargi des élites…
La disparition des Rased ne renforcera t-elle pas le nombre d’élèves en échec scolaire ? L’aide personnalisée au primaire a de telles contraintes de fonctionnement que son efficacité est interrogée. L’accompagnement personnalisé du secondaire est impulsé sans réelle formation.
Conclusions pour 2012 :
« L’Appel de Bobigny » : article 10 annonce que » l’égalité des chances est basée sur un quiproquo ; c’est un modèle de justice auquel on est très attaché en tant qu’individu, mais qui ne crée pas forcément une société ‘’juste » [...] ; l’école républicaine doit être celle de l’égalité réelle des doits entre tous les élèves ; elle doit viser à la réussite de tous, dans un esprit de solidarité, de coopération et non de compétition «
Article 3 « Cela exige que l’Etat joue tout son rôle de garant de l’équité à travers des mécanismes de péréquation entre territoires, et oriente d’abord les moyens supplémentaires vers l’école primaire et le collège « . »
» L’égalité réelle » qui va être adopté à la convention du PS du 11 décembre déclare en particulier que » l’école primaire est nettement sous dotée. C’est pourtant là qu’il faut intervenir pour combattre l’échec scolaire, là que les inégalités se créent et peuvent être résorbées. C’est donc là qu’il faut concentrer les moyens, en particulier sur le premier cycle des apprentissages [...]. Cela nécessite un engagement particulier : refonte des programmes et de leurs évaluations, classes à effectifs restreints là où cela sera nécessaire, renfort éventuel d’un deuxième professeur dans certaines classes pour personnaliser l’enseignement « .
SNUIPP : « Les leviers identifiés par l’OCDE pour relever le défi des inégalités scolaires sont tout autres. Ils s’appuient sur des parcours scolaires sans redoublement, sur des classes hétérogènes avec un effort particulier en matière de prise en charge des élèves en difficulté, sur une formation professionnelle des enseignants digne de ce nom… Ils impliquent aussi un effort tout particulier là où les les difficultés sont concentrées. Le dernier rapport de la Cour des Comptes faisait état d’un sous investissement de l’école primaire de 15% par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. 15%, c’est 15000 enseignants supplémentaires affectés en priorité en éducation prioritaire pour baisser les effectifs élèves, développer le travail en équipe et le « plus de maitres que de classe » ». SNUIPP
SNES : « Les enquêtes internationales posent d’importants problèmes méthodologiques qu’il ne faut pas sous estimer… La réponse ne peut pas être une adaptation de l’école aux conceptions de l’éducation portées par PISA. Elle ne peut donc pas se traduire par un pilotage du système guidé par le seul objectif d’un meilleur classement. » » SNES
SE-UNSA : « Nous demandons que la scolarité obligatoire soit effectivement organisée autour de l’objectif de l’acquisition du socle commun par tous les élèves, ce qui signifie refus de la sélection précoce, continuité éducative entre école et collège et développement des moyens au service de l’individualisation au sein de classes hétérogènes » » SE-UNSA
PISA peut-il induire une reforme à venir ?
- La réponse de Eric Charbonnier, responsable du classement PISA-France.
« les pays qui réussissent, au lieu de faire redoubler leurs élèves, mettent en place des stratégies pour lutter contre l’échec scolaire. Soutien personnalisé, aide aux devoirs, allocation des meilleurs enseignants dans les écoles difficiles, voilà des mesures qui fonctionnent bien. »
« Le problème en France est davantage d’arriver à détecter les élèves en difficulté scolaire dès l’enseignement primaire, et de mettre en place des moyens pour qu’ils rattrapent leur retard. »
« En général, les pays qui réussissent bien dans PISA (Canada, Finlande, Corée, Japon) sont ceux qui parviennent à associer bonne performance et équité sociale. »
« Non, on ne peut pas considérer que le collègue unique est un échec. Les pays où la différenciation scolaire se situe avant le collège sont souvent des pays avec de fortes inégalités sociales. »
« On voit bien que c’est essentiellement l’augmentation des inégalités scolaires qui explique la performance en France. Certains pays se sont améliorés, comme l’Allemagne, la Pologne, le Portugal, et c’est en réformant leur système d’éducation. Et dans aucun de ces trois pays, la réforme n’a renforcé la compétitivité entre les établissements. »
« En France, la notation est souvent vécue comme une sanction. Il est important, si l’on veut développer de l’aide personnalisée, que le soutien qui sera apporté aux élèves ne soit pas vécu par ceux-ci comme une deuxième sanction. »
« plus l’emprise du diplôme est forte, plus les inégalités scolaires sont grandes. Et quand les sociétés sont déjà très inégalitaires, cette emprise est encore plus forte. Alors que nous pensons a priori qu’une société reposant sur une école méritocratique est plus juste qu’une société organisant la simple transmission des positions sociales par héritage, le fait que les diplômes aient une forte emprise sur le destin social des individus contribue au développement des inégalités scolaires. C’est en ce sens que le mérite joue contre la justice ».
- Le commentaire de Philippe Meirieu :
« Les résultats de PISA nous donnent des indications sur le niveau de performance des systèmes scolaires, mais, en aucun cas, sur la nature des projets éducatifs des sociétés qui les portent, ni sur le bien fondé politique, pédagogique, éthique des méthodes qu’ils utilisent. »
« PISA, c’est d’abord la faillite de la pensée facile, de l’illusion technicienne, du leurre d’une gestion “objective” et purement gestionnaire des systèmes éducatifs. C’est la démonstration de l’absurdité du “pilotage par les résultats”. Comment peut-on encore défendre un tel “pilotage par les résultats”, alors que, justement, PISA montre que les résultats ne peuvent rien piloter ? «
« Je milite pour une école de la culture – et pas seulement des compétences -, de l’émancipation – et pas seulement de l’évaluation -, de la solidarité – et pas de la concurrence effrénée. Je milite pour une école qui apprenne à penser. Et je ne sais pas si PISA est capable, aujourd’hui, de nous indiquer comment nous y prendre pour y arriver. Je milite pour une société qui parie sur l’éducabilité de tous… Mais sans réduire, comme je le vois trop souvent, l’éducabilité à l’employabilité. »