Le 6 décembre, avec la Saint-Nicolas, nous a fait entrer dans la période des festivités de fin d'année, dans le cycle de Noël, pourrait-on dire, ou encore "cycle de Jul", selon la terminologie nordique en vogue dans les milieux néo-païens. Saint Nicolas, très populaire en Hollande, dans les Flandres, en Wallonie, en Picardie, en Lorraine et en Alsace, pourrait avoir été l'héritier chrétien du dieu germanique Wotan (Odin) : c'est ce que suggère son allure générale, son rôle de guide de la chasse sauvage, qui se déroulait avant Noël, sa monture, un âne gris qui serait un avatar du fougueux cheval à huit pattes sleipnir. Bien sûr, tout cela n'est qu'hypothèse, mais la figure de Saint Nicolas ne peut qu'avoir été élaborée qu'en relation étroite avec les plus anciennes représentations populaires de la fin de l'année solaire, héritée des anciennes religions pré-chrétiennes. C'est le moment où la maison change d'aspect, se pare de bougies, de branches de sapin et, normalement quatre semaines avant Noël, de la fameuse couronne surmontée de quatre bougies, symbole solaire mettant en parallèle le temps du solstice et les quatre saisons de l'année.
Le 8 décembre, la fête de l'Immaculée Conception semble s'être substituée à d'anciens rites de fertilité, qui subsistaient encore récemment dans les traditions populaires françaises.
Le cycle se poursuit avec la Sainte-Lucie, traditionnellement célébrée le 13 décembre, notamment en Suède : les jeunes filles de la maison revêtent des robes blanches, portent une couronne surmontée de quatre bougies, et offrent du pain ou des gâteaux, tôt le matin, aux membres de la famille. Sans aucun doute fête de lumière (lux), la Sainte-Lucie s'intégrait ainsi aux fêtes solaires de fin d'année.
Arrive alors Noël, le 25 décembre, précédé de la nuit la plus courte de l'année. L'Eglise primitive plaça la fête de la nativité du Christ le 25 décembre pour supplanter les fêtes qui avaient lieu dans toute l'Europe. A Rome, on célébrait alors les Saturnales, dédiées au dieu de la fécondité et de l'abondance Saturne, et marquées par des rituels d'inversion qui se déroulaient sur une huitaine de jours. A partir de la fin du Ier siècle ap. J.-C., on célébrait de plus en plus souvent, le 25, le culte de Mitra, dieu solaire de la souveraineté et de l'ordre dont la naissance se situait le jour du solstice. C'est par pure opportunisme que les paléo-chrétiens fixèrent à ce jour les célébrations de la naissance du Christ, que la chronologie évangélique permet pourtant de dater du mois de janvier.
Les douze jours qui suivent (les "Douze"), entre Noël et la fête des Rois, sont souvent associés aux douze mois de l'année ; temps de passage, il facilite les liens entre mondes des vivants et des morts.
Enfin, le jour des Rois, au 6 janvier, clôt le cycle par un appel à la pérennité de la fonction souveraine : le roi doit guider son peuple pendant les quatre saisons à venir. Le temps de cette journée, la couronne est portée par un membre de la famille, avant d'être déposée pour le restant de l'année, au profit du souverain soutenu. Cela nous rappelle que ces traditions dites "populaires" n'ont pas pour seul objet le cycle des saisons, la vénération des phénomènes "naturels", mais s'insère dans une conception du monde complète et cohérente, qui intègre les nécessités de la vie personnelle et communautaire.
Amaury Piedfer.