Pour expliquer les raisons d'un tel succès autour de La Princesse des Glaces et des autres titres de Camilla Läckberg qui lui ont succédé, j'aurais pu emprunter le raccourci très utile et un peu facile, c'est vrai, consistant à dire que la vague suédoise insufflée par le succès de la série Millénium n'y était pas étrangère. D'autant que certains aspects du livre pourraient inciter à le prendre, ce raccourci. Je ne vais pas vous dire l'inverse non plus. La percée de Stieg Larsson - pour lequel mon engouement s'est limité au premier tome – y a certes contribué mais ce serait vraiment réducteur de lui attribuer tout le mérite. Après tout, si ça avait été aussi nul que ça, il n'aurait jamais été édité, ce livre.
-Hé...
La petite voix – tiens, elle est de retour celle-là, ça faisait longtemps. Ne m'en veuillez pour la rupture momentanée de cette chronique, un petit dialogue intérieur s'impose.
- C'est bon je peux y aller, là, tu ne vas plus m'interrompre ?
- Non, non c'est bon.
- Bien, je voulais donc dire, d'après toi, Manu, tu t'imagin...
- BiblioMan(u), s'il te plaît.
- Hein ?
- Manu, c'est quand on est en dehors du blog, là c'est BiblioMan(u)
-… … … Mouais, passons, je disais alors comme ça tu t'imagines que parce qu'un livre a du succès, il est forcément bon. Toi même n'as-tu pas laissé entendre, ici même, que grosses ventes n'était pas synonyme de qualité ? Hein ?
-Oui, oui, sans doute... tu dois avoir raison... Et je le maintiens, mais à l'inverse ça ne veut pas dire non plus qu'un succès n'est pas mérité. On est bien d'accord ?
-Mh...tu devrais revenir à la Princesse des glaces, t'es en train de bassiner les lecteurs.
Bon, j'en étais où ? Oui, La Princesse des glaces a donc été édité et pour des raisons évidentes. Ce n'est certainement pas le chef-d'oeuvre qui va révolutionner le monde du polar, mais là où c'est assez étonnant c'est qu'avec des côtés vraiment (vraiment!) exaspérants, eh bien on termine le livre avec une envie de retrouver les personnages. En espérant, deuxième roman oblige, que les défauts du premier auront été gommés.
Allez, à force de parler des défauts, je vous les expose. A commencer par une mièvrevrie dégoulinante qui nous ferait presque penser qu'on est dans de la chic... je ne vais pas plus loin, de toute façon Manu va m'arrêter.
-BiblioMan(u)
-Hein ?
-Ici c'est BiblioMan(u), tu as dit, pas Manu.
-Ah, non là, je parle de Manu qui a elle même écouté La Princesse des glaces dernièrement, ça n'a rien à voir.
J'ai soufflé de consternation à plusieurs reprises en écoutant le livre. J'ai eu l'impression d'être dans un roman à l'eau de rose dans lequel on ne m'a rien épargné, de la préoccupation du tour de taille à la tempête de neige qui bat son plein au dehors tandis que les deux amoureux se découvrent... Camilla Läckberg ne fait pas dans l'originalité non plus dans ses descriptions mais ce qui m'a aussi agacé, ce sont les petites invraisemblances qui jalonnent le récit. Jugez plutôt : on a une héroïne dont les parents sont morts il y a peu de temps, elle doit faire face à l'animosité d'un beau-frère bien déterminé à vendre la maison familiale quand il ne tape pas sur sa femme, elle découvre le corps d'une de ses amies d'enfance qui a été assassinée, elle vient d'obtenir une révélation de taille qui pourrait faire avancer l'enquête de façon déterminante et quelle est la question qu'elle se pose le matin en se levant ? Des idées, des suggestions ? Elle se pèse dans la perspective du rendez-vous avec l'inspecteur, fiancé en devenir, et se demande quelle incidence aura le retrait de sa petite culotte sur le chiffre de la balance...
Pour ne rien arranger, je n'ai pas non plus été réceptif à la voix de Christine Pâris qui empruntait l'intonation d'un ogre dans une histoire pour gamin pour les personnages masculins et surrenchérissait sur l'aspect mièvre et gnagnan.
Et pourtant. Et pourtant, tout ceci n'est en réalité que peu de choses si l'on y regarde bien. Car il y a une véritable fraîcheur là-dessous, une véritable énergie aussi et, ne l'oublions pas, ce serait dommage, une enquête tout à fait prenante. Le sort des personnages ne m'a pas laissé indifférent, aussi bizarre que ça puisse paraître au regard de ce que j'ai mentionné un peu plus haut. A tel point même, que j'ai enchaîné avec le deuxième ouvrage de Camilla Läckberg, toujours en livre audio. Après dix pistes, force est de constater que la voix de Eric Herson-Macarel me convient mieux et que le côté chick... sentimentalo-romantique a été épuré. Et si j'en crois une libraire de très bon conseil, le troisième ouvrage, le Tailleur de pierre, enfoncera le clou. J'ai bien fait de ne pas replier le livre au premier "nous étions destinés l'un à l'autre."
La Princesse des glaces, Camilla Läckberg, traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, Audiolib, 14 h 15 mn