Les clowns et les chandelles dansent,
les sons s'égrènent,
la musique aigrelette en dents de scie se propage-légèreté sautillante et digne d'un cabri.
Les flammes se laissent porter par les reflets.
Au creux de ma paume, un oiseau à l'agonie, tout juste ramassé dans la poussière, palpite.
Les choses divorcent d'avec la pesanteur.
Elle préfèrent, désormais, se retrancher derrière les reflets, ces poignards aux lames minces, fugitives.
On m'a attaché à la cheville un lourd parpaing. Un parpaing de béton bien compact, qui me leste.
Les montagnes russes et les grandes roues ne me perdent pas de vue. De même que les barbes-à-papa, d'ailleurs, elles me surveillent.
Ce lourd parpaing, je le traîne. Il ralentit mon pas. Il m'interdit l'accès aux escaliers surgis, aux colimaçons captifs de nuages de talc, aux greniers minuscules où l'oeil-de-boeuf attend.
Il me fait tituber, trébucher sur la vie.
Comment l'appelle-t-on ? Ras-le-bol, déprime...spleen ?
La laine de ma couverture tente de me ranimer. De me réinsuffler la vie, la chaleur charnelle.
Et voilà que je me relève de mes cendres, une fois de plus.
Je ressuscite et mes pieds foulent le sable. A flanc de dune, je scrute la forêt bleue...la vaste étendue bouclée, cernée par la mer et, à vrai dire, plutôt confondue avec elle.
Résine, sable et vent me font la courte échelle et mes reins deviennent lourds à force de ployer...Mais je ne faiblis pas.
L'astre du jour me hisse. Le sable, d'ores et déjà, ne fait qu'un avec lui. Je sens le sable : sa vulnérabilité poudreuse...sa façon de céder, de s'évanouir sous mes pas. Les acacias ponctuent l'ascension, revêches. Artificiels. Pareils à des épines aigries. Toujours seuls. Cruellement avares de la moindre ombre.
Le sable est chaud et s'éparpille autour de mon corps.
La vaste étendue bouclée est porteuse de fièvre.
Elle ondule et bruisse, telle un ressac de mer.
De concert avec l'océan, elle gronde, elle grince.
Sa rage, en livides, brefs frissons, court sur elle. De quel droit cette haute dune se libérerait-elle ? De quel droit échapperait-elle à son emprise ?
Avant de mourir, les oiseaux se cognent aux murs. Ils attendent que la terre bascule sur son axe. Ils croient trouver des fenêtres qui n'y sont pas. Qui n'y sont que dessinées, peintes en trompe-l'oeil.
Ils s'imaginent que les murs sont de carton-pâte. Et le pire est qu'en un sens, ils n'ont pas vraiment tort.
Ils fracassent leurs espoirs bêtes et ailés. Le cristal du vent étincelle à leur oreille.
Celui qui poursuit sa quête sur les rails.
Les méandres tortueux des villes sécrètent un suc.
Les rails, c'est juste bon à voir le soleil s'affaisser. A le voir rougeoyer sa sale hémorragie. A le voir se vider de tout son sang vermeil puis, désormais sans force, traîner quelques instants ses ultimes lambeaux, avant de mordre la poussière.
Le soleil, le soir, n'est qu'un gladiateur bléssé. Un colosse fendu, touché à mort, qui vacille.
Les aztèques donnaient leur sang pour le sauver.
Et, grâce à leur sang, il reprenait vigueur, vie.
En revanche, les rails ne savent pas le retenir. Ils assistent, impuissants, à sa déroute. Ils se lovent, dans le vent de la nuit, qui vient, et qui agite subitement, brièvement, les brindilles.
Et le rêve introduit sa faim de cul-de-sac, son étrange épopée si basse de plafond. Son écho crépusculaire et fluide, qui louvoie. Sa tristesse pendue, suspendue à fleur de ciel, qui vous fixe les yeux dans les yeux mieux qu'une menace.
Sa buissonnante façon de se détacher.
P.Laranco.
_______________________________________________________________________________________________
1.
Le cristal du vent étincelle
fracasse mon espoir
Suc tortueux des villes
ses ultimes lambeaux juste avant la poussière
Le soleil est blessé.
Un colosse fendu, touché à mort, vacille.
Et le rêve introduit sa faim de cul-de-sac
son étrange épopée si basse de plafond.
son écho fluide
sa tristesse pendue,
fixée à fleur de ciel
Telle une menace
Sa buissonnante façon de détacher la peur…
2.
Un parpaing de béton
...- Les grandes roues me fixent -
Je le traîne.
Il ralentit mon pas.
m'interdit l'accès aux escaliers surgis
colimaçons captifs de nuages de talc
Le sable à flanc de dune scrute la forêt bleue
Résine, sable et vent
alourdissent mes reins
L'astre du jour me hisse.
Le sable s'évanouit
Les acacias aigris
- Vaste étendue bouclée et porteuse de fièvre -
ondulent et bruissent, tel un ressac de mer.
La rage de la lune, livide, en brefs frissons…
Qui saura libérer la hauteur de la dune ?
Elodia TURKI.