Le choc des photos

En janvier 2008, Nicolas Sarkozy n’avait pu emmener aux Indes Carla. Les Indiens avaient fait savoir que la présence aux côtés du Président d’une femme qui n’était pas son épouse posait de sérieux problèmes de protocole. Ces Orientaux ont des mœurs bien décadentes ! Je ne suis pas certain que Nicolas ait alors fait à sa promise une promesse mais, si c’était le cas, en voilà enfin une qui aura été tenue.

Donc, l’autre jour, tout ce beau petit monde, l’empereur, sa femme, ses copains (je prends garde au lapsus évident de coquins), et même belle-maman. Tout cela réalisé par un Président qui se sacrifie pour son peuple et devra attendre la fin de ses mandats pour jouir de la dolce vita. Maintenant, il faut bien fournir un emballage officiel à cette petite excursion au Taj-Mahal. Foules éblouies, apprenez que votre Président a bien travaillé et vous ramène des milliards de contrats.

Ainsi, tous ces adorateurs du grand homme déploient toute la richesse de leur vocabulaire pour vous convaincre de l’immensité de la moisson sarkozienne. Voyez plutôt : on ainsi établi un protocole d’accord ou bien un accord-cadre voire même des accords intérimaires. On nous lance aussi d’autres incantations : « il n’y a pas de contrats définitifs mais des engagements irréversibles ont été pris » avec la variante suivante : « Il y aura ensuite à peu près six mois pour négocier les contrats définitifs ». Il me semble qu’il n’existe que deux états pour un contrat : il est signé ou il ne l’est pas. Je n’ai encore jamais rencontré de contrat qui ne soit pas définitif. Pour me faire comprendre des incultes qui nous gouvernent, il en est pour un contrat comme pour une femme. Celle-ci ne peut être un peu, ou presque, ou quasi, enceinte, elle l’est ou elle ne l’est pas. Parfois, ces laids-parleurs substituent au mot définitif le terme de non-retour, ce qui nous vaut ceci : « Des progrès décisifs ont été accomplis et on a atteint un point de non-retour pour la signature de contrats ».

Certains vont plus loin que le mensonge et recourent au trucage. C’est Yann Barthès qui, sur Canal +, dans son Petit Journal nous l’a révélé l’autre soir. Il nous a présenté une splendide photo en couleurs, parue le matin même dans Le Parisien, ce temple méconnu du journalisme d’opinion. On pouvait y voir, pendant leur conférence de presse à New Delhi, un Nicolas Sarkozy, presque hilare, le pouce levé, et à ses côtés, la mine plutôt sombre, le Premier ministre indien Manmohan Singh. La photo est bien authentique. Mais elle est légendée : « L’enthousiasme de Nicolas Sarkozy ». Et le visionnage du film dont elle est extraite montre qu’elle est prise au moment où, répondant à un journaliste qui en l’espace de quelques phrases l’inonde de questions, notre Président déclare : « Heureusement que c’était une question par journaliste ! ». Et toujours aussi jovial, il souligne le une par un pouce victorieux.

En cette circonstance, ce n'est plus une question de déontologie, c'est tout simplement d'une extrême malhonnêteté.