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Renan et le territoire

Publié le 10 décembre 2010 par Egea

Yves Lacoste (Vive la nation) le constate : la définition de la Nation donnée par Renan ne comporte aucune allusion au territoire :

Renan et le territoire

"Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis".

Certes, le texte ...

... démontre auparavant que le critères habituellement retenus ne conviennent pas : la race (ou l'ethnie), la langue, la religion, la communauté des intérêts, ni même la géographie ne lui donnent satisfaction. Remarquons toutefois que pour la géographie, Renan écrit ceci : "La géographie, ce qu'on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l'histoire". Et plus loin : "Non, ce n'est pas la terre plus que la race qui fait une nation. La terre fournit le substratum, le champ de la lutte et du travail ; l'homme fournit l'âme."

Il y a une erreur de perspective. Elle est double.

  • La première tient à la confusion entre géographie et théorie des frontières naturelles, théorie qui, on le sait, ne date que de la Révolution Française, d'ailleurs pour énoncer un projet géopolitique.
  • La seconde tient à la confusion entre terre et territoire : la terre considérée comme un substrat neutre, sans s'apercevoir qu'elle est devenue "territoire" c'est-à-dire polarisée par les populations qui y vivent et les réseaux qui l'irriguent.

Et pourtant, cette définition constitue incontestablement un projet géopolitique, justement dans sa volonté de nier la dimension spatiale : son "universalité" est à comprendre au sens propre, elle est valable sur tout l'univers. Mais elle ne dit rien de la raison des séparations entre peuples, ce qui constitue sa principale limite. Bel idéal, aussi élevé probablement que l'idéal kantien de paix perpétuelle (voir billet), elle manque cependant d'un certain réalisme qui puisse la rendre opératoire. Autrement dit, elle appartient au mythe plus qu'à la loi, à la raison pure plus qu'à la raison pratique.

Réf : Qu'est-ce qu'une nation ?.

O. Kempf


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