Lorsque j'ai connu Cannes dans les années 60, c'était un paradis sexuel et homosexuel. J'y ai vu le plus grand bar gay de France et de Navarre ; il fallait aller à Amsterdam pour en trouver un plus vaste : les Trois Cloches, rue des Frères Pradignac. Et il y en avait plein d'autres partout, de ces établissements gais et colorés... Je ne sais plus les noms, mais je me souviens que j'en faisais la tournée.
Sur la Croisette, chaque palmier avait son gigolo, et le bain de minuit en pleine ville était une activité traditionnelle à laquelle de nombreux homos participaient sans heurt avec les autres fêtards.
En moins de dix ans, tout le domaine public a été nettoyé, la liberté du plaisir populaire anéantie et les frasques ne sont restées l'apanage des nantis que dans des clubs privés et les opulentes villas de l'arrière pays.
Au nombre de ces bars, je me souviens fort bien du Zanzi, le Zanzi-bar, grosse astuce, sur les « allées ». Ce qui s'appelle la rue Félix Faure pour les plans et les touristes, et les allées pour les autochtones. En fait, c'est la « rambla » locale, malencontreusement occupée alors par un vaste parking.
Le Zanzi, c'était un petit bar voûté au bas de trois ou quatre marches, un décor d'acajou marine, -nous sommes sur le vieux port. (Le seul port à l'époque, le port Canto n'étant qu'en construction), et une faune d'habitués dont la principale vertu était la mixité des générations. C'est un des rares endroits où j'ai vu des jeunes gens sur les genoux de leurs aînés dans un mode relationnel qui n'était pas forcément tarifé. Je ne dis pas qu'il ne l'était jamais, mais qu'il puisse ne pas l'être parfois reste une exception dans les établissements de ce genre.
On voit encore, sur une des photos de cet article, les fresques de Soungouroff qui ornaient les voûtes. Elles vont disparaître sous les perceuses des décorateurs qui vont transformer le lieu de glacier.
Car le Zanzi a vécu. Après 125 ans de bons et cordiaux services, le bar a éteint son enseigne hier.
Victime de nombreux éléments convergents qui ont transformé la Côte d'Azur en Las Vegas dans les quarante dernières années.
Photos extraites du site du Zanzi, encore en ligne aujourd'hui...