A 65 Langon-Pau : la note salée du péage

Publié le 09 décembre 2010 par Blanchemanche
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Sud-Ouest du 06-12-10
A 65 Langon-Pau : la note salée du péage
La liaison coûtera aux alentours de 17 euros. Le ministère devrait confirmer les tarifs cette semaine.
L'A 65 sera une des autoroutes les plus chères de France. N. LE LIEVRE
Ce n'est pas franchement une surprise. Les dirigeants d'A'lienor, l'entreprise (filiale d'Eiffage) concessionnaire de la nouvelle autoroute Langon-Pau, le confirment depuis longtemps : pour effectuer dès la semaine prochaine les 150 kilomètres de l'itinéraire, il faudra débourser environ 17 euros au péage. Soit une somme probablement comprise entre 19 et 20 euros pour un Bordeaux-Pau, le tronçon Bordeaux-Langon par l'A 62 (exploitée par ASF) coûtant 2,20 €.
« Environ », « probablement », autant de locutions qui enrobent encore le discours sur les tarifs. Aussi étonnante que l'affaire puisse paraître, ceux-ci ne sont toujours pas connus officiellement. L'autorité de tutelle, le ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement devrait valider la grille tarifaire cette semaine par la voie d'un arrêté publié au « Journal officiel ».
1,2 milliard investi
Pour l'heure, on ne connaît que les propositions formulées par A'lienor, et transmises au ministère au début du mois de novembre. Le concessionnaire s'est appuyé sur le prix fixé en 2005, lors de la signature du contrat avec l'État, soit 9,02 centimes d'euro au kilomètre pour une voiture. Compte tenu de l'indice des prix, A'lienor a réactualisé le tarif kilométrique à 10,8 centimes hors taxes, soit à peu près 12 centimes le kilomètre TTC. On aboutirait ainsi à un ticket de péage à 17,40 € pour les 150 kilomètres.
Le ministère des Transports n'a pas de raisons de revenir sur ce calcul. « On ne détermine pas les tarifs, on les approuve », rappelle-t-on au ministère. Lequel se borne à vérifier que la proposition d'A'lienor est conforme au contrat de concession, et donc à l'équilibre économique de celle-ci. Signe que cet équilibre est fragile, A'lienor a obtenu une rallonge de la concession par la magie d'un avenant au contrat en date du 10 septembre dernier. Sa durée, fixée par décret, est dorénavant de soixante ans.
A'lienor justifie ses prix élevés. « Les tarifs ne sont pas fixés au hasard. Il s'agit d'avoir le maximum de fréquentation au plus haut tarif possible pour amortir l'investissement », disait récemment Olivier de Guinaumont, le président d'A'lienor, lors d'une visite sur le site de Bostens, dans les Landes. Or l'investissement est considérable : 1,2 milliard d'euros, financés pour le principal par l'emprunt, sans recours aux subventions. Le profil tourmenté du terrain, le nombre important d'ouvrages (162) et les contraintes liées à la préservation de l'environnement - 150 millions d'euros de surcoût selon A'lienor - expliquent la lourdeur des engagements financiers.
Une des plus chères
Les tarifs attendus de l'A 65 la propulsent dans le palmarès des autoroutes les plus chères de France, la palme revenant (de très loin) aux 16 kilomètres de l'A 14 à la sortie ouest de Paris. À l'heure où les ménages se serrent la ceinture, le prix du trajet pose la question de l'attractivité de la nouvelle infrastructure.
Sur des allers et retours à répétition, 39,20 € pour un Pau-Bordeaux contre 22 euros pour un Pau-Toulouse, c'est éventuellement un problème (lire ci-dessous). Sur des distances comparables, l'usager débourse 12,60 € pour effectuer un aller Bordeaux-La Rochelle ou 15,60 € pour un Bordeaux-Brive sur la déjà très chère A 89.
Mais l'exemple de l'A 65 n'est pas isolé. Il en va (à peu près) de même pour les nouveaux tronçons, les moins rentables. C'est ce qu'ont découvert en août dernier les automobilistes normands en empruntant les 45 kilomètres de la toute nouvelle A 88 déroulée entre Falaise, dans le Calvados, et Sées, dans l'Orne. La liaison coûte 6,50 € aux usagers (soit 14 centimes au kilomètre), sur un profil qui n'a rien à voir avec le saute-mouton béarnais. La grogne envers Alicorne, la société concessionnaire, a largement alimenté les conversations de comptoir entre Caen et Alençon. Rien n'y a fait. Alicorne, comme A'lienor, applique des tarifs indexés sur une stratégie économique et commerciale, pas sur une notion de service public.
La fin de l'adossement
Les sociétés concessionnaires ont-elles le choix ? Naguère, le financement des nouvelles autoroutes était adossé aux recettes des plus rentables - qui sont aussi les plus anciennes. Dans la région, la dernière autoroute à bénéficier de ce régime a été l'A 89, construite et exploitée par les ASF grâce à la manne du couloir rhodanien. Résultat, l'automobiliste n'est ponctionné « que » de 41 euros pour un très long trajet autoroutier (580 km) entre Bordeaux et Lyon…
Considérant, non sans raison, la pratique anticoncurrentielle, l'Union européenne a sifflé la fin de la récré en janvier 1998. S'il n'y a pas de subvention d'équilibre, l'usager acquitte désormais au péage le coût réel de l'infrastructure sur laquelle il circule. Et ça fait mal. Porte-parole du collectif Stop-Autoroutes, figure de proue d'Alternative régionale Langon-Pau, une association qui a ferraillé contre le projet de l'A 65, Julien Milanesi regrette que les avertissements des opposants sur les prix au péage aient été inaudibles à l'époque. « On se doutait qu'il y aurait de la désillusion… Cet aspect a été très peu soulevé, il a fallu se battre pour avoir le contrat de concession et connaître les tarifs. Quand on sait qu'A'lienor table sur un doublement de la fréquentation d'ici à 2020 pour rentabiliser son investissement, on peut surtout s'interroger sur l'avenir de la concession », juge-t-il.
A'lienor part sur une hypothèse de trafic de 92 00 véhicules par jour. Et n'affiche officiellement aucune crainte pour l'avenir.