La mise en application du « paquet prudentiel Bâle III » coûtera 960 millions d’euros aux banques françaises et s’étendra sur cinq années.
La réforme prudentielle « Bâle III », visant à mettre en adéquation le cadre réglementaire bancaire avec les situations extrêmes vécues lors de la crise débutée en 2007, se dessine de plus en plus précisement. De nombreuses analyses d’impacts ont été publiées afin d’évaluer les conséquences sur le montant cible d’exigence en fonds propres, mais les coûts opérationnels de mise en conformité à la réforme par les banques n’ont pas encore été estimés.
Dans une étude réalisée au cours du dernier trimestre 2010, Sia Conseil, cabinet de conseil en management et en stratégie opérationnelle, analyse les impacts de la mise en oeuvre de cette évolution règlementaire sur l’ensemble des acteurs du paysage bancaire français[1].
Le coût de transformation et de mise en conformité sur l’ensemble du secteur français est évalué par Sia Conseil à 960 millions d’euros, dont 540 millions d’euros pour les huit plus gros acteurs de la place[2], et s’étend sur 5 années jusqu’à fin 2015. En guise de comparaison, ce coût est, selon les établissements, de deux à trois fois moins important que pour la mise en œuvre de la réforme Bâle II.
Contexte de la réforme
La crise financière qui a, depuis 2007, fortement impacté les marchés financiers et plus globalement l’économie mondiale, a permis de mettre en exergue la non adéquation du cadre réglementaire bâlois, et plus généralement bancaire, aux situations extrêmes. A ce jour, ce cadre est principalement défini par les seconds accords de Bâle (dits de « Bâle II ») ainsi que par leurs amendements européens CRD II & III, actuellement en cours de mise en œuvre (Capital Requirements Directive).
Sous l’impulsion du G20 de Pittsburgh, le comité de Bâle a décidé de procéder à une réforme intégrale de ce cadre prudentiel afin de l’adapter à un environnement bancaire devenu incertain et volatile.
La première phase de cette évolution, menée à la mi-2009, a débouché sur la publication d’un texte sur les risques de marché, et s’est poursuivie en Décembre 2009 par la diffusion de deux documents consultatifs reprenant des directives relatives aux exigences en capital ainsi qu’à la gestion du risque de liquidité. S’en sont suivi, courant 2010, des études d’impact, un réajustement des mesures précitées et la publication d’un premier calendrier d’application cible.
Six principaux chantiers
Afin d’effectuer cette étude, Sia Conseil a analysé le détail des exigences des différents textes parus à ce jour et a structuré une feuille de route faisant apparaître six chantiers principaux, et couvrant donc l’ensemble des nouvelles exigences.
Les couts de mise en conformité
Méthodologie d’estimation employée
L’étude d’impact Sia Conseil s’appuie sur une approche analytique consistant à évaluer le coût détaillé de mise en œuvre d’un projet Bâle III pour un « établissement type » (démarche dite « bottom-up ») puis de décliner ce modèle pour les huit premières banques présentes en France en tenant compte, au cas par cas, des spécificités de chacune (typologie de banque, PNB, composition du bilan, complexité du trading book, structure juridique…). Cette démarche est complétée par une approche « top-down » qui vise à confronter les chiffres obtenus avec des métriques globales de place ou basées sur l’expertise de Sia Conseil (benchmarks, comparaison avec des réformes d’ampleur équivalente…).
Pour le reste du marché, une démarche plus forfaitaire est effectuée permettant d’aboutir à une projection des coûts de mise en conformité sur l’ensemble des acteurs de la place.
Sia Conseil estime que le chantier relatif au risque de marché sera le plus coûteux. Le chantier traitant des stress-tests devra être démarré dès que possible (application au 01/01/2011 et régulation à partir du 01/01/2012) et servira à alimenter les autres chantiers, notamment celui relatif au risque de marché.
L’étude menée tend à montrer que la partie informatique (développements internes / achat de progiciels) sera un poste d’investissement moins important que pour la réforme Bâle II.
Ceci s’explique aussi bien par les caractéristiques de la nouvelle régulation que par la possibilité, dans la majorité des cas, de réutiliser les outils existants en les faisant évoluer.
Pour le marché Français, Sia Conseil estime le coût total de la mise en œuvre de la réforme Bâle III à 960 millions d’euros pour des projets répartis sur cinq années en moyenne.
Les coûts de mise en œuvre relatifs aux huit principaux établissements de la place varient entre 22 et 98 millions d’euros.
Les coûts les plus importants sont concentrés sur les années 2011 à 2013. A partir de 2015, les coûts se limiteront à la maintenance des dispositifs et à leur mise en conformité progressive (notamment pour les chantiers fonds propres et risque de contrepartie).
En synthèse
Le « paquet Bâle III », dans toutes ses composantes, adresse des éléments ou des natures de risques qui n’avaient pas ou peu été adressés dans le cadre de la réforme Bâle II. Il s’inscrit donc dans la tendance actuelle de prise en compte de manière exhaustive et pointue de l’ensemble des risques auquel les groupes bancaires sont soumis, et ce, de manière homogène et comparable entre les différents pays. Ce dernier point est un élément clé dans l’application de Bâle III, qui suppose qu’il n’y ait pas d’asymétrie réglementaire entre les différentes zones financières (Amérique, Europe, Asie).
Parmi les impacts sur le métier et les pratiques des établissements bancaires, les premières conséquences commencent à se dégager :
- la recherche d’économies sera encore plus renforcée, afin de compenser notamment le coût de mobilisation du capital et le coût de mise en place des dispositifs,
- la concentration des acteurs de petite ou de moyenne taille s’accélérera, et ce, plutôt dans une logique transfrontalière que domestique,
- les évolutions dans le modèle métier & opérationnel des banques, entamées depuis plusieurs années déjà, vont se poursuivre du fait de la forte pénalisation de certaines activités (titrisations, structurés de crédit, activités de marché).
Dans la continuité des réflexions et évolutions post-crise engagées dans la majorité des établissements, Bâle III se révèle être un nouveau vecteur pour la transformation du secteur bancaire sur les cinq prochaines années.
Article Les Echos du 8 décembre 2010Tags :