Le Gouvernement vient de publier au Journal officiel le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.
Ce texte a subi quelques modifications par rapport au projet de texte qui a été diffusé la semaine prochaine, à la suite d'une réunion interministérielle et d'un communiqué officiel du Premier ministre.
En résumé, si le Gouvernement a légèrement assoupli les conditions permettant d'échapper au moratoire de trois mois, il a confirmé et aggravé les conditions de sortie du moratoire. Ce n'est donc pas une suspension mais un coup d'arrêt, c'est à dire un nettoyage de la file d'attente des dossiers en attente de raccordement qui vient d'être décidé, lequel sera sans doute prochainement couplé à une baisse tarifaire.
Le Gouvernement n'aura donc pas tenu grand compte, ni des revendications des organisations et associations de défense de l'énergie solaire, ni de l'avis du Conseil supérieur de l'énergie qui s'est réuni hier et qui avait adopté plusieurs amendements qui tendaient à un assouplissement plus important du moratoire.
En réalité, le décret a été signé le jour même de la réunion du Conseil supérieur de l'énergie et publié dés le lendemain, sans perdre un instant. La décision a donc été prise sans concertation et avant concertation. Politiquement, aprés quelques hésitations sur son transfert éventuel de Roquelaure à Bercy, les choses sont désormais claires : le dossier énergie est géré à Matignon.
A titre personnel, ce que je trouve le plus regrettable tient à ce que cette décision, non seulement n'a été précédée d'aucune véritable concertation mais procède d'informations et de chiffres absolument invérifiables. Une véritable transparence du contenu et des caractéristiques de la file d'attente des dossiers de raccordement aurait été un préalable démocratique utile à cette décision de moratoire. Le Grenelle est donc ici foulé aux pieds tant sur la forme que sur le fond.
Pour autant, et même si des recours seront sans doute déposés pour demander l'annulation de ce décret, il convient de ne surtout pas tomber dans le piège de la panique et de la sinistrose qui est tendu par le Gouvernement. Car ce climat de sinistrose pourrait lui aussi, au delà de ce décret, nuire à l'avenir de l'énergie solaire et faire peur, tant aux investisseurs qu'aux consommateurs. Le plus grave dans cette affaire tient en effet au coups répétés portés à l'image de cette si belle énergie renouvelable qu'est le solaire. Son développement correspond au sens de l'histoire.
Dans l'urgence, les professionnels du secteur ont bien sûr intérêt à procéder à un examen de chacun de leurs projets pour vérifier, s'ils bénéficient de l'une des dérogations à la suspension de l'obligation d'achat et si, dans cette hypothèse, ils peuvent respecter la condition de mise en service. Egalement, lorsque cela est possible et souhaitable, ils doivent étudier la possibilité de reconstituer une demande complète de raccordement au terme de la période de suspension. Passée cette analyse cas par cas, c'est la situation générale de l'entreprise et des projets qui doit être repensée, notamment avec les investisseurs (banques..).
Voici ce qu'il faut retenir du décret du 9 décembre 2010 :
Suspension de trois mois. L'obligation de conclure un contrat d'achat d'électricité solaire est suspendue pour 3 mois (et non 4 comme le prévoyait le projet de décret, ni 2 comme cela était démandé par les organisations professionnelles).
Dérogation pourles installations de moins de 3kW. Cette suspension ne s'applique pas lorsque la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle est inférieure ou égale à 3 kW. On notera, par rapport au projet de décret une précision sur les caractéristiques de ces installations solaires domestiques.
Dérogation en cas d'acceptation de la PTF avant le 2 décembre. Cette suspension de l'obligation d'achat ne s'applique pas aux installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau. On rappellera que le projet de décret prévoyait qu'un accompte PTF devait être versé avant le 2 décembre.
Assouplissement des conditions de mise en service des installations bénéficiant de la dérogation. Lire l'article 4.
Sortie du moratoire. Passée la période de suspension de trois mois, "les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat". Il faut admirer la rédaction de cet article 5. Ainsi, les "demandes suspendues" sont en réalité rejetées et il faudra recommencer toute la procédure de raccordement.
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JORF n°0286 du 10 décembre 2010 page 21598
texte n° 5
DECRET
Décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil
NOR: DEVX1031847D
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
Vu le code civil, notamment son article 1er ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 10 ;
Vu le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité ;
Vu le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat ;
Vu l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de l'énergie en date du 9 décembre 2010 ;
Vu l'urgence,
Décrète :
Article 1
L'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension.
Article 2
Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil lorsque la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle est inférieure ou égale à 3 kW.
Article 3
Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau.
Article 4
Le bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date.
Les délais mentionnés au premier alinéa sont prolongés lorsque la mise en service de l'installation est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais prévus au premier alinéa. La mise en service de l'installation doit, dans tous les cas, intervenir au plus tard deux mois après la fin des travaux de raccordement.
La date de mise en service de l'installation correspond à la date de mise en service de son raccordement au réseau.
Article 5
A l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat.
Article 6
La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et entrera immédiatement en vigueur.
Fait à Paris, le 9 décembre 2010.
Par le Premier ministre :
François Fillon
La ministre de l'écologie,
du développement durable,
des transports et du logement,
Nathalie Kosciusko-Morizet
La ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
Christine Lagarde