Il n'est pas rare que je sois le facteur de ces albums : je les remets souvent en mains propres aux petits intéressés, et c'est toujours un moment intense de voir la réaction des bambins découvrir les photos de la vie qui les attend. Car oui, j'ai souvent la gorge serrée et les yeux humides dans ces moments là.
D'abord dans les albums, on voit souvent l'amour des parents, au vu des efforts de présentation et de choix des photos. Je les imagine en train de le préparer avec soin, et je sens tout l'amour qu'ils contiennent et qu'ils tentent de transmettre à l'enfant entre les pages... En les feuilletant avec les enfants, je rentre un petit peu plus dans leur intimité, leur amour est palpable, et j'adore broder des commentaires sur chaque photo. Je me sens habitée par eux, par leur amour, et aussi par l'angoisse des longues attentes aléatoires de nos adoptions indiennes. Et je sais qu'ils sont frustrés de ne pouvoir être à ma place...
Et puis bien sûr, il y a la réaction de l'enfant qui découvre les yeux écarquillés les bouilles souriantes de sa famille, son prochain environnement et un peu de son futur pays si différent du son environnement actuel. J'adore, oui, j'adore ces petits instants. La plupart des enfants sont immédiatement ravis, et re-feuillètent à l'infini les pages de l'album avec moultes commentaires. D'autres sont silencieux, concentrés, avec un grand sourire aux lèvres, ils peuvent être pensifs voire stressés, et attendent quelques instants avant d'exprimer leur satisfaction. Certains enfants, au contraire, fuient ce moment en le feuilletant rapidement et en partant à la direction opposée, car la réalité est si subite qu'elle leur fait peur. Mais la majorité des enfants sont heureux dans ces moments là, et je n'ai même pas le temps de finir les commentaires de toutes les photos qu'il sont déjà en train de circuler dans tout l'orphelinat en mode frime à max, vasy que je vais faire verdir tous mes potes de jalousie. Une fois, mais ça reste une exception, un gosse a voulu troquer le précieux album contre des bonbeks avec un de ces potes, là j'étais verte !!!! Aaaaah les gossses.... Menfin globalement cela reste un moment intense entre les enfants, moi et les parents par procuration.
Outre le plaisir que celà apporte aux enfants de savoir qu'ils ont été "choisis" (car c'est souvent avec l'album qu'on leur annonce la bonne nouvelle), ces albums avant tout des outils très importants pour les enfants à se préparer à leur future vie, et à se forger une image imaginaire et positive dans leur tête de leur famille et de leur future vie. Ils sont souvent le support au personnel des orphelinats qui les aide à se préparer au grand saut dans le vide que représente leur adoption. Plus l'enfant est grand, et plus cet outil lui sera utile, donc il est important de le constituer avec soin... Malheureusement, certains parents semblent se faire plaisir plus qu'autre chose lorsqu'ils constituent l'album, et oublient de se mettre au niveau d'un enfant, en orphelinat, indien et sûrement issu de milieu modeste..
Voici quelques trucs ou conseils à la Moushette :
- simple et costaud ! Certains parents font de magnifiques oeuvres de type scrapbooking. Perso j'adore, car ils expriment tant d'amour... Pas sûr que les gosses le comprennent, mais le personnel féminin des orpheu est souvent sensible à cela. Mais il ne faut pas oublier que ces albums risquent d'être manipulés des centaines de fois par des mains sales et maladroites, et ils doivent être costauds et simples à manipuler...
- pas trop ! certaines familles y mettent trois tonnes de photos. Les enfants vont rarement jusqu'au bout lorsqu'il y en a trop. Et comme par hasard dans ces cas là, les photos les mieux sont à la fin...
- l'album ne doit pas être un arbre généalogique ! Certaines familles tiennent particulièrement à mettre les photos de TOUTE leur famille. Du coup les figures principales sont noyées dans le flot des photos de tous ces portraits de blancs bizarres, et les gosses ne comprennent plus qui est qui. Privilégiez donc les photos de la famille proche : les parents (portraits et de pied), freres-soeurs, gparents (s'ils les verront souvent), autres enfants qu'ils côtoieront régulièrement style petits cousins ou petits voisins. Mettez aussi les animaux de compagnie (car beaucoup d'indiens par ex. détestent les chats, ont peur des chiens, il faut donc les préparer à cette cohabitation...). Il est préférable d'avoir plusieurs photos des parents et frères/soeurs dans des situations diverses afin que les enfants puissent mieux se les représenter.
- L'album ne doit pas ressembler à facebook ! Plus que des portraits, les enfants aiment découvrir leur environnement, si possible avec des membres de la famille proche dessus pour se donner une idée. Donc évitez la liste de portraits figés, privilégiez plutôt les photos "naturelles" dans l'environnement habituel. Voici une liste non exhaustive de mon top 50 de photos qui font leur petit effet sur tous ces ptits loulous lorsqu'ils sont encore toulabalaba : la maison (l'ensemble), sa chambre, son lit, le bureau pour travailler si possible un peu garni, les jouets, le vélo, la télé dans le salon avec si possible un dessin animé qui tourne (sisisisi, ça les rassure de savoir qu'ils vont aller dans un monde où la télé existe !), les frères et soeurs travaillant sur l'ordi, la cuisine avec repas familial avec beaucoup de bonnes choses à manger (le gateau d'anniversaire a toujours un succés fou !), la voiture de papa (avec papa dedans qui fait coucou c'est encore mieux !), le jardin, la balançoire, l'école, la photo des camarades de classe, les activités sportives (si possible des frères et soeurs), les vacances à la mer, au ski etc. Privilégier les photos du quotidien récentes plutôt que les photos de mariage ou évènements formels.
- Eviter les sujets qui fâchent les autochtones. Les albums passent souvent entre moultes mains, dont celles des adultes. Pour l'Inde voici une liste d'exemples : évitons donc les photos à la "je trinque avec le rouge qui tâche en chantant une paillarde" qui fait passer les français pour des éternels alcoolos (plus sérieusement, évitons les photos à table où trainent moultes bouteilles d'alcool...), les photos en maillot de bain surtout pour les femmes et les jeunes filles (qui peuvent même faire peur à votre fille qu'elle ait "à se deshabiller" pour aller à la plage ou à la piscine puisque sa culture d'origine a une autre notion de la nudité que chez nous), le gros sanglier rôti en premier plan (qui donnerait des vapeurs au veggies...), les connotations religieuses (genre communion) sauf bien sûr si l'enfant est élevé dans un orphelinat "chrétien" et que vous l'êtes, les fringues trop moulantes ou décolletés pour les femmes....
- commentaire : pour chaque photo, mettre un commentaire court et simple, EN ANGLAIS (si le pays n'est pas francophone) !!! Et mettez sur la couverture le nom d'origine de l'enfant, pasque quand faut trouver le bon parmi les 50 albums dans le tiroir, ça peut aider...
- Et un truc bête, non mais franchement tout bête. Parents, mettez des photos de vous souriants et où on vous voit bien !!!! Pasque bon, je ne vous dis pas lorsque j'ouvre l'album et que je découvre en même temps que les enfants des parents au regard de serials killers ou aux yeux à peine ouverts à cause d'un clignement d'oeil au mauvais moment (on sent les photos "qui n'ont pas servi, ça fera l'affaire..."). Idem pour la photo prise sur le cap horn avec vent de force 9 et grimace qui va avec, pas la pein hein... Il ne faut jamais oublier que l'enfant aussi se forge l'image d'un parent imaginaire le temps de l'attente, tout comme les parents se forgent leur enfant imaginaire de l'autre côté du globe. Faudrait pas que cela vire en cauchemar à cause d'une photo ratée...
Autre petit truc que je diffuse assez régulièrement aux familles : je leur conseille de refaire un petit album juste avant le départ pour s'en servir comme outil de préparation à l'enfant le temps du séjour en Inde. Là on customise à fond. On remet des photos mises à jour de la chambre (qui nul doute a du bien se garnir depuis le premier album), on peut mettre aussi des photos d'intérieur d'avion (la ceinture, la tablette, la ptite télé...), l'environnement encore et encore, et bien sur la photo de la famille proche pour réviser les prénoms et le who's who.
Pourquoi un deuxième album ? Pasqu'il n'est pas rare que le premier ait été broyé ou perdu à l'orphelinat. Et que ce deuxième album peut vous permettre, à vous parents, de présenter l'environnement de votre enfant au personnel de l'orpheu (toujours triste et inquiet de voir partir leur enfant dans un monde inconnu), à votre accompagnateur indien, ou à n'importe quel autochtone un peu curieux que vos croiserez sur votre route. Personnellement, je voyage toujours avec un petit album des miens (et d'enfants et membres de notre OAA). Je trouve que c'est un excellent moyen de briser la glace avec les indiens, car ils sont friands de voir comment on vit dans notre pays mystérieux qu'est la France...
Aller, à vos objectifs, y a plus qu'à shooter maintenant !!!