… Paris s’endort sous quelques centimètres de neige déjà fondue et l’avalanche télévisuelle pseudo chiffrée et super loufoque ne désarme plus : la bande « News » en fil continu de BFM TV et d’iTélé crache de la stat de pacotille au bas de l’écran histoire d’en remettre une couche. Après une heure à ne regarder cela que d’un œil, je lis : « 1200 Versaillais marchant à 300 kilomètres heures prennent le train à l’aéroport avec 200 retraités des bouchons »… Grosse fatigue.
« Il neige chez vous ? Prenez une photo ou un vidéo et connectez sur temoin.bfmtv.fr » : Exhortés à dénoncer avec courage la neige et le temps qu’il fait, Madame et Monsieur Tout-le-monde ont vécu une soirée de frisson entre le sentiment de partager un moment d’exception (fil ALERTE : « 11 cm de neige à Paris, un record depuis 1987 ») et l’indignation de ne pas en avoir pour son argent (Monsieur XY vitupérant au volant de son auto sur une bretelle autoroutière non salée quelque part en île de France : « Ce soir ma décision est prise : j’arrête de payer mes impôts ! »). Pendant ce temps une présentatrice de fortune, un peu trop boulotte pour être le premier choix du réalisateur, accompagne les « naufragés de la route » (formule prononcée avec compassion) jusqu’à leur coucher et « l’extinction des feux » (formule prononcée d’un air gourmand) d’un gymnase de Versailles ou sont dressés 500 lits de camps sous un ciel de néons. Derrière l’écran, Madame Tout-le-monde en frissonne d’aise et dit à Monsieur en tâtant machinalement le nouvel Epéda Prestige : « Ohlala les pauvres… Oh ! Regarde Lapin, c’est même bloqué jusqu’au niveau du Darty de Villeneuve !» Puis, voici qu’au creux de la nuit, toujours en déroute, on envoie les « blindés » (formule prononcée avec admiration) ! Poussée en hâte et sans maquillage sous la mitraille de flocons, une autre jeune présentatrice peine à contenir son excitation devant le gendarme peu disert qu’elle questionne vitement, lui donnant du « monsieur » alors que –manifestement- il est adjudant.
J’éteins la télé pour entendre s’égoutter les toits de Paris dans ma nuit de plume.
Décidément, tout se perd. Même l’hiver.
L’ANACHRONIQUEUSE
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