Je vis en Chine depuis juin 2009, et j’y voyage depuis avril 2005. Comme vous le savez sans doute, j’y ai pas mal voyagé, je travaille au sein d’une équipe chinoise et je m’emploie à parler chinois. Je pense donc avoir une petite légitimité quand je parle de la Chine, ou du moins quand je donne mon avis sur ce pays.
Depuis que je tiens ce blog, je me suis toujours tenue à parler principalement des choses positives que je vois et vis ici, et ce, pour deux raisons: la première, c’est qu’on trouve déjà suffisamment de ressources en ligne qui parlent de ce qui ne va pas en Chine, la seconde est tout simplement par respect: je suis ici en pays d’accueil, et même si des choses me dérangent parfois, je reste une invitée.
Mais voilà, quand je parle avec mes proches, ici en Chine ou là-bas en France, je réalise souvent que mon discours est assez éloigné de ce qui ressort à la lecture de mon blog. D’où cette question aujourd’hui: comment penser la Chine au quotidien, et comment partager ces pensées ici?
Une première réponse qui peut paraître banale, mais qui est tellement vraie : plus je comprends de choses, plus il me reste de choses à comprendre – en fait, plus je comprends, moins je comprends. Quand mon ami et moi sommes venus vivre ici, je pensais avoir une idée bien établie sur le pays, moi qui travaillais depuis 4 ans dans les échanges culturels et touristiques avec la Chine. Vivant les premiers mois à Changzhou, « petite » ville industrielle à 2 heures de Shanghai, je me suis rapidement rendue compte que j’avais fait ces années-là la promotion d’un pays et d’une culture qui existaient surtout en dehors de la Chine. Les millions d’habitants de Changzhou, comme ceux des petites et moyennes villes de Chine, connaissent très peu leur propre pays, n’ayant pas l’occasion de voyager, et encore moins leur propre histoire, n’ayant pas eu accès à une éducation le leur permettant.
Et puis, je suis venue vivre à Shanghai. Ici, comme dans les grandes villes de la côte Est chinoise, les chocs sont beaucoup moins forts. Les Chinois ont un meilleur accès à l’éducation, ils sont aussi plus habitués au contact avec l’étranger. Shanghai, même si elle a aussi une vraie identité chinoise, est par beaucoup d’aspects plus internationale que Paris, on y croise beaucoup de gens différents, on y parle beaucoup de langues, c’est une ville en perpétuel renouveau, en perpétuelle redéfinition de soi-même.
Et puis, j’ai continué à voyager en Chine, pour le plaisir surtout, pour le travail aussi. J’ai vu tant de différences d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un Chinois à l’autre. On ne peut pas penser la Chine, on ne peut penser la Chine qu’au pluriel. Cela ne facilite rien à la situation…
Je ne peux pas dire j’aime ce pays, trop de choses m’échappent, trop d’incompris persistent malgré mes efforts. Comment la vie humaine peut-elle avoir si peu de valeur? Comment l’argent peut-il être une valeur suprême absolue? Comment l’éducation, la santé peuvent-ils être autant négligés par le gogov. et laissés aux mains d’une oligarchie capitaliste? Comment une bonne partie des Chinois peut-elle encore croire au texte encodé - javascript doit être activé? Comment peut-on accepter que la plus grande partie de la population chinoise soit laissée dans l’ignorance? Comment un tel gogov., texte encodé - javascript doit être activé seulement dans ses rouages texte encodé - javascript doit être activé et si injuste au quotidien, peut-il prendre tant de place dans notre monde globalisé? Comment l’environnement, l’eau, les sols et l’air, peuvent-il être sacrifiés pour le droit de quelques-uns à s’enrichir? Mais d’un autre côté, comment organiser un pays à plus d’un milliard de personnes?
J’admire le peuple chinois pour son optimisme à toute épreuve, son énergie, sa spontanéité, sa bonne humeur permanente, son sens de l’accueil et de la famille… J’aime la diversité de la Chine, l’idée de pouvoir passer une vie à découvrir ce pays-continent, ses gens si différents, ses paysages si grandioses, son architecture si différente. J’aime la langue chinoise, radicalement différente, où une autre vision du monde se lit dans ses caractères. J’aime pouvoir être surprise tous les jours, remettre en question mes idées préétablies, jouer avec les limites de mon ouverture d’esprit.
Mon quotidien reste donc rythmé par l’alternance entre joies de la découverte et questionnements sans réponse. L’avenir me permettra sans doute d’avoir plus de réponses, mais elles sont totalement imprévisibles à mes yeux qu’elles soient apportées par le gogov. ou peut-être par le peuple lui-même…
Au plaisir de lire vos avis à ce propos !