A propos de la France des élites

La Revue Alternatives Economiques dans son numéro de Décembre 2010 N° 297,  vient de publier son   dossier Comprendre   sous intitulé " La France des élites.""Quelles suscitent le fantasme ou le rejet, les élites restent un ensemble sociologique mal connu. Les recherches ne manquent pourtant pas sur ce groupe. Ses modes de reproduction ont normalement retenu l'attention. Ce qui n'empêche pas que les évolutions demeurent possibles au sein de ce cénacle" Alternatives Economiques
CE QUE L'ON PEUT RETENIR : 
"Etymologiquement, élite provient de l'ancien français, eslit qui désigne (un groupe minoritaire de personnes ayant, dans une société, une place éminente due à certaines qualités valorisées socialement).Deux postulats méritent d'être relevés : les membres de l'élite seraient nécessairement minoritaire en nombre, et ce parce que les propriétés qui les distinguent du reste de la population seraient elles-mêmes rares... On voir alors poindre la contradiction que cela implique avec l'idéal démocratique qui postule au contraire l'égalité de tous les citoyens, et donc leur égale capacité à gouverner la cité...
Vilfredo Pareto, qui s'est beaucoup intéressé à la question, distinguait deux approches :

• la première renvoie à l'excellence dans un domaine donné, mesurée par un certain score (un "indice de capacité"),
• la seconde appelle au contraire le singulier, car elle se restreint à l'élite dirigeante dan une société donnée, lorsqu'on "dispose les hommes selon leur degré d'influence et de pouvoir politiquement social"...

Une autre manière d'envisager la pluralité des élites  consiste à l'inscrire dans la différenciation croissante des sociétés en sphères d'activités distinctes. Durkheim qualifiait ce processus de "division du travail social"...
Charles Wright dans "L'élite du Pouvoir" ... met en évidence, à partir de sources variées, la connivence qui existe entre les détenteurs du pouvoir de décision dans les différentes sphères aux Etats Unis... c'est bien en fin de compte, une tension entre compétition et solidarité qui relie les membres formant "le haut" d'une société à un moment donné. Si chacun peut chercher à s'élever encore au détriment des autres, tous ont aussi un intérêt à conserver leur position pour eux comme pour leur descendance...
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron Dans "les Héritiers" et "La Reproduction" montrent que l'école promeut et valorise une culture proche de celle des classes supérieures, ce qui permet aux enfants qui en sont issus de réaliser un véritable "délit d'initié scolaire"... ceux-ci héritent en effet, dès leur plus jeune âge d'un capital culturel et au delà, d'un habitus qui leur permettront non seulement de réussir plus aisément à l'école, mais aussi et surtout de mieux s'y sentir et de s'y orienter...
Les formes de la domination des élites ne cessent d'évoluer pour assurer sa continuité. cette dynamique tient à la fois de la nécessité de s'adapter au changement social et de la tension permanente entre distinction et imitation. Les deux sont en fait liées, comme le relève l'examen des oppositions au sein des fractions dominantes...Le succès des anciens élèves d'HEC dans le monde économique... contribue à imposer le poids symbolique des écoles de commerce par rapport aux écoles d'ingénieurs - Polytechnique en tête, ou à l'ENA, mais aussi à imposer une vision managériale jusqu'au sein de l'Etat. C'est l'avènement d'un nouveau référentiel, le "new public management", où l'efficacité mesurée à l'aune des critères des entreprises privées, devient l'objectif premier, reléguant au second plan la logique de service public ou la résorption des inégalités...Autre évolution liée : l'internationalisation des élites... Les liens avec l'étranger sont valorisés dans la haute société...Si la circulation des individus favorise celle des idées, il ne faudrait pas cependant conclure qu'elle effacerait les spécificités culturelles nationales...Dans le "Logique de l'Honneur" Philippe d'Iribarne montre que les relations hiérarchiques dans les entreprises françaises sont marquées par une forte valorisation du statut de chacun et de la "noblesse" des tâches à effectuer, tandis qu'aux Etat-Unis domine une logique contractuelle et au Pays-bas la recherche du consensus...
Ces exemples conduisent à une conclusion forte : l'élitisme n'est pas un invariant culturel."SOURCE: Igor Martinache - Alternatives Economiques
EN SAVOIR PLUS :
Sur l'Express : "les élites françaises sont monochromes"
Sur l'Expansion : "les élites françaises ne sont pas sensibilisées aux inégalités hommes-femmes"
Sur les Echos : "les élites des banlieues françaises choyées par... Les Etats-Unis"
Sur le Blog Rives Méditerranéennes : "Du lien politique au lien social"
Sur Cadres-Plus.net : "Elites managériales - glissements politiques et redéfinitions"