158. Sugarplum Fairy

Publié le 08 décembre 2010 par Dylanesque
Je me souviens que ma passion pour les Beatles a commencé le 8 décembre 2005. Le jour des 25 ans de la mort de John Lennon. La radio était allumée dans ma chambre alors que je faisais mes leçons, et ils ont passés cette chanson étrange, A Day In The Life. Pas la version de l’album, celle des Anthology, celle qui commence par le décompte de John, qui murmure d’une voix fragile : « Sugarplum fairy, sugarplum fairy ». Et puis le piano et la voix de Mal Evans qui résonne avant que l’orchestre ne monte crescendo jusqu'au passage de Paul. Une chute de studio magique qui m’a collé des frissons. J’ai d’autres souvenirs des Beatles avant ça (quand j’avais volé le double best-of bleu au CDI du collège ou bien « Help ! » qui résonnait dans la voiture pendant les vacances), mais c’est vraiment là où l’histoire d’amour a commencé.  M’enfin je suis pas là pour vous parler des Beatles. Il y aurait tellement à dire, tellement de choses ont déjà été dites, je ne saurais pas par où commencer.


Non, je voulais juste rendre mon petit hommage à John Lennon. C’est marrant, il y a deux ans, j’avais commencé ce blog en écrivant un article à la gloire de Paul McCartney mais j’ai rarement évoqué son camarade. Plus étrange encore, je vénère George Harrison, et j’ai pas écrit une ligne à son sujet. Autant je suis capable de tout sur l’ami Dylan, mais les Beatles ne me rendent pas vraiment prolifiques. Il faudrait juste que je me laisse aller et je pourrais pourtant vous pondre une centaine d’articles très personnels à leur sujet.

John, donc. Le hasard du calendrier a voulu que l’on fête à quelques mois d’intervalles les 70 ans de sa naissance et les 30 ans de sa tragique disparition. Je n’étais pas né en 1980 mais en 2005, en écoutant la radio, j’ai eu l’impression de revivre l’émotion originelle de cette annonce terrible, d’entendre ces coups de feu et de partager la tristesse du monde. Dès les premières notes d’Imagine ou avec ce « sugarplum fairy » qui encore aujourd’hui me rend tout triste. Je ne reviendrais pas sur son travail avec les Beatles, sur sa jeunesse (le film « Nowhere Boy » qui sort enfin en France en parle pas trop mal) mais je voulais revenir sur ces deux magnifiques premiers albums solo.

Pas tellement solo d’ailleurs parce que bien sûr, il y a Yoko, mais aussi un tas d’autres musiciens, et même George Harrison qui vient faire chialer sa guitare sur quelques chansons. Je possède « Plastic Ono Band » et « Imagine » en 33 tours et aujourd’hui, ils tournent en boucle sur ma platine. « Isolation » belle à pleurer, « Look At Me » une ballade qui me réchauffe le cœur à tous les coups (surtout dans la BO de « The Royal Tenenbaums ») et « God » à la puissance évocatrice incroyable, aussi simple qu’elle est saisissante. Parce qu’elle est là la force et la faiblesse de Lennon : l’équilibre entre la simplicité universelle et la complaisance trop naïve. Equilibre parfait sur « Imagine » quoi qu’en diront certains. « Crippled Inside » est une ritournelle country adorable tandis que le rock « Gimme Some Truth » est comme une lame de couteau. Et merci à Yoko, oui merci Yoko, pour avoir inspiré les chansons « Love », « Oh My Love » et « Oh Yoko », pleine de tendresses et de sincérité sans jamais tomber dans la tarte à la crème.   

Le reste est moins glorieux. « Some Time In New York City » est quasiment inécoutable, gâché par la même Yoko, par l’engagement artificiel d’un Lennon qui n’est plus crédible et joue les sous-Dylan sur « John Sinclair ». « Rock &Roll » est magnifié par Phil Spector, « Stand By Me » fait encore de l’effet, mais c’est tout de même anecdotique. Même chose pour « Wall & Bridges » qui, à part pour sa pochette inventive, n’a pas grand-chose à offrir. Je sauve quand même « Nobody Loves You (When You’re Down and Out) », que j’ai toujours aimé écouter en marchant tard le soir dans la rue, comme un mal-aimé, avec un saxo qui résonne au loin. « Double Fantasy » est touchant car c’est un testament malgré lui, parce que « Just Like Starting Over » est bouleversante si on la replace dans son contexte, mais on pouvait attendre mieux avec le recul du come-back de Lennon. Je garde tout de même « Mind Games », un album à redécouvrir, perdu au milieu des années 70. La production sauve parfois des choix un peu douteux, mais comment ne pas être séduit par la chanson titre, par « Bring On the Lucie » qui ressemble à du grand Lou Reed ou bien « Tight As », un blues déchainé.

Inégale, c’est le moins que l’on puisse dire de la carrière post-Beatles de Lennon. J’ai tout de même beaucoup d’affection pour le personnage, pour son aspect lunaire, pour son univers où chacun peut y trouver son compte, et tous les ans, en décembre, je reviens faire un tour dans sa discographie.

Si vous cliquez sur la photo ci-dessus, vous trouverez compilé sur Spotify les chansons que je viens de citer et quelques autres, ce que Lennon a gravé de mieux sur disque entre 1970 et 1980, selon moi. Et je vous invite à redécouvrir sa collection « Anthology » qui réunit des chutes de studio souvent plus convaincantes et dépouillés que les versions officielles.

Un jour, j’irais déposer une gerbe au pied du Dakota Hotel.  Parce que 30 ans après, le monde et moi, moi qui aurait presque les larmes aux yeux en écoutant « Jealous Guy » alors qu’il neige dehors, 30 après, on se sent orphelin et on remercie John de nous avoir fait rêver avec ses amis scarabées, avec sa bien aimé Yoko ou seul face à son piano immaculé.