A l’initiative d’Aristide Briand, député socialiste, la loi de la séparation des Églises et de l’État fut votée le 9 décembre 1905. Elle concernait les Catholiques mais aussi les Protestants luthériens, les Protestants calvinistes et les Juifs. Il faut dire que depuis 25 ans, de graves tensions opposaient le pouvoir républicain et l’Église catholique.
Au sein du pouvoir républicain, deux théories s’affrontaient. Les héritiers des Jacobins prônaient la suppression pure et simple de la religion chrétienne en souhaitant la confiner au domaine purement privé. Les autres comme Jean Jaurès et Aristide Briand souhaitaient que l’Etat demeure neutre envers toutes les religions en garantissant la liberté de conscience conformément à la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.La nouvelle loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat, au lieu d’être répressive, proclama la liberté de conscience en garantissant le libre exercice des cultes. De fait, l’État manifestait sa neutralité religieuse tout en garantissant le libre exercice des religions dans le respect de celles d’autrui.Au moment de sa promulgation, cette loi ne concernait que les catholiques, les protestants et les juifs. Les musulmans étaient encore minoritaires en France et l’islam tel qu’on le connaît aujourd’hui, encore inexistant.
Voilà pour le passé. Mais aujourd'hui qu'en est-il réellement du présent ? Notre mémoire collective autour de la loi de séparation de l'Église et de l'état s'inscrit dans un processus plus large de "renaissance républicaine" qui a le principal défaut, selon moi, de fournir à l’ego national une conscience décalée de lui-même. En somme : un miroir flatteur, un discours sur un passé glorieux. Cette renaissance alimente un consensus conservateur. Ainsi, aujourd'hui le fait est que notre société n'accepte pas ou mal que l'on puisse être français et musulman.
C'est l'idée que traduit Béatrice Durand dans son dernier ouvrage "La nouvelle idéologie française".Morceaux choisis :
"L’idée républicaine française, dans ses versions agressives, sert de ciment idéologique à un chauvinisme masqué, à un nationalisme qui ne dit pas son nom. Elle est solidaire d’une conception autoritaire et nostalgique de l’école ; Elle ne combat pas l’injustice et l’exclusion de manière très volontariste. […] Le surmoi républicain dont s’est ainsi trouvée pourvue la société française n’est pas étranger à l’arrogance avec laquelle ce pays se présente à lui-même et au reste du monde. […]
Ce qui est arrogant, en revanche, c’est l’image que la renaissance du républicanisme a fournie à la société et que diffusent ses élites politiques et intellectuelles. Il n’est pas sain pour une société de cultiver une image d’elle-même qui diverge si cruellement de ce qu’elle est vraiment. La critique du néorépublicanisme qu’on vient de lire ne vise aucun des principes républicains fondamentaux. […] La critique visait seulement leur réinterprétation récente. »