Un "poète" démasqué, 38 ans après...

C'est l'histoire d'un lycéen tout juste sorti des brumes campagnardes. Il découvre les sortilèges de la ville. Les heurtoirs des vieilles façades, les pavés disjoints des ruelles sans commencement ni fin, les parapets qui dominent les toits couchés des maisons blotties comme si depuis toujours elles avaient pris froid parlent une langue dont il ne connaît rien. Entre les murs aux creux sombres du lycée, avec ses mots de peu, il explore son adolescence échappée de son corps. Dans la pâleur des soirs d'étude, il n'apprend pas. Il lit de la poésie. Le tumulte de Rimbaud déjà le fascine. Il rêve. Il ne sait pas qu'il rêve. Son errance ne constitue pas encore un chemin. En cachette, il dépose sur un carnet des vers malhabiles. Il en ignore la fièvre car il est né brûlé d'un père mort et d'une mère malade. Sait-il seulement son nom ? N'est-il pas étranger à sa douleur même ? Souvent, quand les cours sont finis, il descend au jardin vert où une otarie jaspine dans sa petite cascade. Il écrit encore. Un jour, le professeur de lettres de la classe propose aux élèves d'évoquer un poème qui leur a plu. Jacques Prévert, Boris Vian, plus rarement Baudelaire font partie du banquet. Le coeur du lycéen se met à battre plus vite. Des rougeurs, qui sait, lui viennent au front. Il soumet au professeur et à ses pairs le texte d'un inconnu, Michel Vitold. L'air est si épais tout à coup, la mine du professeur tellement perplexe. Que va-t-il se passer ? Le lycéen a-t-il seulement conscience qu'il pourrait se passer quelque chose ? De fait, il ne se passe rien. Le professeur garde pour lui ce qu'il a deviné. 

Trente-huit ans après, ce même professeur se renseigne sur Thierry Metz en fouillant la toile. Une page le conduit à ce blog. Et il se souvient. Année scolaire 1971/1972. Un élève aux cheveux courts quand la mode était au long, sans pattes d'éléphant à son pantalon. Dominique Boudou alias Michel Vitold.

Un nom emprunté à un comédien de théâtre. Qui savait alors que Michel Vitold battait les planches ? Qui aurait pu prévoir que le lycéen, bien des années plus tard, inguérissable de l'enfance, toujours éparpillé entre le moi et le jeu, publierait quelques maigres ouvrages ?

Et que puis-je dire aujourd'hui à ce professeur, si c'est bien lui qui s'est manifesté hier par un commentaire sur mon article précédent ? Il y parle de toupet. Je ne sais pas ce que c'est car je n'en ai jamais eu. Pour moi, le toupet, c'est des cheveux qui rebiquent à hauteur de front. On en rencontre dans les anciens romans russes. Portés par des personnages de rien qui souffrent beaucoup. J'aime par dessus tout les anciens romans russes. Et voilà mon masque tombé.