Selon le baromètre Ipsos, 27 % de Français soutiennent Marine Le Pen. De quoi réjouir la vice-présidente du Front National et flanquer la chtouille à une classe politique trop timorée. A un peu moins de 18 mois des présidentielles, la bataille se révèle très tactique et personne, surtout à gauche, n’a envie de se découvrir trop tôt, de peur de se faire dézinguer par l’adversaire et par des médias voraces qui ont du mal à cacher leurs sympathies et qui n’attendent que ça pour porter le coup de grâce.
Bien sûr, il ne s’agit là que de sondages d’opinion et d’instituts grassement rétribués pour façonner les esprits. Or on sait qu’en la matière, les vents sont tels que nul n’est à l’abri d’un renversement spectaculaire, comme cela s’est déjà vu par le passé. Cela étant, je m’amuse à imaginer ce que cela donnerait en 2012, un second tour Marine Le Pen contre le candidat de la gauche – tout pareil qu’en 2002, le candidat de l’UMP en moins -- Mínimus ayant été brutalement écarté ! Il faut dire que cette montée en puissance du Front National doit flanquer un sacré bourdon à Mínimus. Dans ce monde ennuyeux -- on s’amuse avec les moyens du bord -- j’ai plaisir à imaginer un tel scénario avec jubilation. A condition, bien sûr, que, de son côté, la gauche, désolante chimère, alimente la bécane en combustible. Pourquoi tu tousses, tonton ?…
Pourtant, malgré ces chiffres, Marine n’est pas contente. Pas contente du tout et elle le proclame à ondes déployées. Pas à cause des chiffres, trop bons, mais à cause de Michel Drucker, animateur aussi lisse qu’un galet polit par des millénaires de va-et-vient océanique. Mémère considère « scandaleux » que ce pilier du service public la « boycotte » et, pire encore, déclare avoir de « l’aversion » (vous avez bien lu ou entendu, comme moi !) pour Le Pen, père et fille.
La chose commence à dater et je me souviens avoir jeté une paupière titillée par le propos de Michel sur le plateau de Laurent Ruquier qui n’est pas le dernier des festif de la planète paf. C’était le 6 novembre. Pourquoi mettre autant de temps à juger « scandaleux » le propos de l’animateur de « Vivement Dimanche » ? La bonne opportunité, bien sûr !
Michel Drucker, le néo-rugueux, celui-là même qui a tant contribué avec son émission à promouvoir du Sarko, l’ami des riches, en 2007, invitant à tour de bras le ban et l’arrière-ban de la Sarkozie délirante, les Clavier and C°, dit aujourd’hui son « aversion » pour le clan Le Pen. Très bien. Mais pourquoi précisément aujourd’hui ?… Parce qu’il sent le danger rôder autour de son ami du Château ? Ne soyons pas mesquins ! « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur », disait Jean Cocteau.
Utilisant les chiffres de ce sondage, la Marine donne dans l’incontinence et nous parle de service public et de devoir. Elle qui, si elle venait à être élue, n’aurait rien à foutre ni du service public ni de la démocratie qu’elle utilise aujourd’hui pour mieux démonter ce que Sarko a déjà bien commencé à faire.
La direction de France Télévisions est, de son côté, embarrassée par la tournure que prend ce qu’il faut bien nommer une tempête dans un verre d’eau.
J’emprunte le titre de ce billet à Aloysius Bertrand et à son « Gaspard de la nuit« , livre V. Merci a lui et à tous les muletiers de la planète pour tout ce qu’ils ont à subir sans coup férir.