La sécurité aérienne devrait parler d’une seule voix.
Michel Walchenheim, représentant de la France auprčs le l’OACI, vient de le rappeler en termes simples : la sécurité aérienne progresse, le taux d’accidents est en diminution constante. L’année derničre, quatorze accidents ont fait 654 victimes, chiffres ŕ rapprocher du trafic mondial, plus de 2,2 milliards de passagers. C’est incontestablement un beau résultat, męme si la communauté de la sécurité aérienne tout entičre déploie des efforts incessants pour faire toujours mieux. Reste ŕ le faire savoir ŕ l’opinion publique, ŕ mettre en valeur ces Ťbonsť chiffres, pour compenser l’effet désastreux de catastrophes qui marquent inévitablement les esprits. Et c’est lŕ que le bât blesse, que la communication est incontestablement insuffisante, les milieux de spécialistes mis ŕ part.
On a pu s’en rendre compte, une fois de plus, en marge d’un séminaire organisé ŕ Aix-en-Provence par l’Institut de formation universitaire et de recherche du transport aérien (Ifurta), placé sous l’égide de la faculté de droit et de science politique de l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille.
Le pire a été évité, grâce ŕ la rupture entre progression du trafic et nombre d’accidents. Michel Guérard, l’un des responsables de la sécurité d’Airbus, a rappelé ce grand classique : l’un de ses collčgues de Boeing, Curt Graber, avait créé l’inquiétude en prédisant un accident majeur par semaine, faute de pouvoir briser le cercle vicieux. La sécurité a atteint un niveau remarquable, disait-il en substance, mais si elle ne progresse plus, l’envolée du trafic conduira ŕ des chiffres que l’opinion publique mondiale ne tolčrera pas.
Heureusement, Curt Graber s’est trompé. Encore que rien ne soit définitivement acquis, les défis étant multiples et sans cesse recommencés. Il s’agit donc de travailler, de beaucoup travailler (c’est le cas) mais aussi de mettre en exergue les bons résultats patiemment acquis au fil des années. Ce qui n’est pas tout ŕ fait le cas. Plusieurs approches peuvent ętre envisagées et, par exemple, Jean Paričs, président de Dédale, tout en rappelant que la sécurité est l’affaire de tout le monde, suggčre un changement de perspective pour Ťrendre le risque acceptableť. Il y a lŕ matičre ŕ débat, bien sűr.
Un tout autre volet de l’actualité contribue indirectement ŕ cette réflexion. Il en effet question, ŕ nouveau, de la lenteur avec laquelle intervient l’unification de l’espace aérien européen, le Single European Sky, que chacun appelle de ses vœux depuis la création d’Eurocontrol …au début des années soixante. La présidence belge de l’Union européenne tente de redynamiser le dossier, vient d’y consacrer un Ťsommet de l’aviation ť et a publié, non sans emphase, une Ťdéclaration de Brugesť, au demeurant bienvenue et sympathique, mais qui relčve des vœux pieux.
En marge dudit sommet européen, les forces vives du transport aérien européen ont vigoureusement réagi pour dire ŕ nouveau leur déception, leur amertume, pour répéter que cette unification tarde ŕ devenir réalité. Or, que constate-t-on ? Que sur un sujet de cette importance, les uns et les autres acceptent de se coordonner, de parler d’une seule voix. D’oů un texte commun d’Airport Council International, de l’Association of European Airlines, de l’AeroSpace and Defence Association, l’ELFAA (compagnies low cost), l’ERA (compagnies régionales) et l’IACA (compagnies charters). Ces associations et groupes de pression, qui ne dissimulent pas des opinions souvent contradictoires, voire des objectifs divergents, sont donc capables de s’asseoir ŕ une męme table, d’élever le débat, de faire cause commune. Pourquoi n’en feraient-elles pas autant en matičre de sécurité aérienne, pour mieux communiquer ?
Elles ont un beau dossier ŕ défendre, des messages constructifs ŕ faire passer, des chiffres rassurants ŕ soumettre ŕ l’opinion. Elles feraient peut-ętre taire les critiques professionnels, les incrédules, les inévitables défenseurs de la thčse du complot. Odile Saugues, député qui consacre des efforts méritoires ŕ la sécurité, a évoqué ŕ la tribune de l’Ifurta le Ťmille-feuilles des compétencesť, rappelé que Ťles gens ressentent une certaine opacité, l’opinion est toujours contreť. D’oů la suggestion d’une haute autorité de la sécurité aérienne.
Il n’est peut-ętre pas souhaitable de prendre cette direction. En revanche, si l’espace aérien unifié vaut bien une messe, le monde de la sécurité pourrait au moins se faire entendre davantage, et de maničre coordonnée.
Pierre Sparaco - AeroMorning