Enfin l’espoir ! Fini le stress !
Des esprits chagrins ont aussitôt objecté que casser le thermomètre ne fait pas baisser la fièvre et que le remède est pire que le mal. Que le thermomètre a le mérite de donner l’alerte. Et qu’il donne aussi la mesure de la gravité de la situation.
Et pourtant : comment ne pas y penser ?! Car enfin, tout bien-portant est un malade qui s’ignore ! Quel bon thermomètre ne décèlerait pas, ici ou là, une petite fièvre passagère ? Or, se savoir malade aggrave parfois le mal…
La mauvaise note est bien de la même nature : elle nous guette tous ! Citoyens et contribuables, chefs d’entreprises, responsables politiques : nous vivons tous avec la peur des notes, l’obsession du classement, la hantise de l’échec. Peut-on imaginer la solitude du mal-noté devant ses proches et ses pairs, devant son banquier, devant les marchés, à l’heure de l’aveu ?
Alors rêvons un instant d’un monde sans notes et sans classement.
Les « marchés », guéris de leur amnésie, ne brûleraient plus les idoles qu’ils encensaient la veille encore.
Guéris aussi de leur schizophrénie, ils renonceraient à menacer à toute occasion l’euro – la monnaie unique qui leur a épargné la faillite.
Les Etats n’auraient plus à se comporter en girouettes tournant au gré du vent : ils ne s’engageraient pas, la page des largesses à peine tournée, dans une course vers la déflation ;
Les responsables politiques des grands pays, libérés du terrorisme des marchés, retrouveraient ainsi le plein exercice de leurs responsabilités devant leurs électeurs ;
L’Irlande remettrait sur pied son système bancaire dans le calme et la discrétion qui conviennent aux affaires d’argent délicates, en pleine confiance avec les autorités européennes ;
Les plus grandes puissances – Etats-Unis et Chine – échapperaient à la tentation du dumping monétaire qui hypothèque leur avenir, et celui de leurs partenaires, pour un bénéfice illusoire ;
Et, comme il est normal en période de sortie de crise, l’OCDE réviserait ses prévisions économiques pour 2011, non pas à la baisse comme il vient de le faire, mais à la hausse.
Allons, tentons une petite prescription, à l’heure où s’ouvre une année de présidence française du G20 :
1 – Gardons notre sang-froid ; l’économie de la planète trouvera bien les moyens d’une meilleure résilience : elle n’a pas le choix ;
2 – Améliorons nos thermomètres, largement obsolètes, qui ne mesurent quasiment plus rien de ce qui nous attend. Combien sont morts, d’Enron à Lehman Brothers, du marché américain des « subprimes » au secteur espagnol du bâtiment, qui étaient jugés bien portants tout juste avant la crise fatale ? Combien sont tombés gravement malades, de la Grèce à l’Irlande, pour ne pas parler des pays peut-être encore au stade de l’incubation ? Et qui peut prétendre prévoir les prochaines bulles financières, les prochaines faillites, les prochaines crises ?
3 – Aussi nécessaire soit-il, le meilleur thermomètre ne suffira pas, c’est la maladie elle-même qu’il faut comprendre, évaluer. Et la capacité du malade à la vaincre. Or la planète souffre d’une poly-pathologie. Nous avons besoin d’un vrai diagnostic.
4 – Comme un bon diagnostic ne suffira pas, il faudra mettre en place les meilleurs traitements. Sans états d’âme. Avec l’accord de tous – sous peine d’échec.
5 – Et comme le meilleur des traitements ne suffira pas à préserver l’avenir, c’est une véritable gouvernance économique de la planète, respectueuse des intérêts de tous, présents mais aussi à venir, qu’il s’agit de mettre en place. L’heure ne peut plus être à une compétition destructrice entre les grands Etats, et dommageable pour tous, mais à une coopération permanente, élargie et renforcée.
On le voit, le travail ne manque pas. Et …il sera noté !
Parce que – oui, j’ai oublié de le préciser – la recommandation de supprimer la notation, en fait, c’est seulement pour l’école primaire : pour préserver l’épanouissement de nos chères têtes blondes.
Mais où est donc la justice ? Qu’en est-il de notre épanouissement à nous ? En aurions-nous passé l’âge ?
Allons, patience : peut-être nos chères têtes blondes perdront-elles le goût de la notation…
Peut-être même oublieront-elles, le jour venu, de nous juger ?